Eric-Emmanuel Schmitt : Si Dieu existe
Eric-Emmanuel Schmitt sera de passage à Montréal afin d’assister à l’adaptation théâtrale de son récit Oscar et la dame rose. Nous l’avons joint peu avant qu’il ne grimpe dans l’avion…
À 10 ans, Oscar est atteint de leucémie. Il vit ses derniers jours à l’hôpital. Pendant 12 jours, il écrit quotidiennement des lettres à Dieu. C’est Mamie Rose, une bénévole qui vient rendre visite aux enfants, qui le lui a suggéré. Elle propose également à Oscar de vieillir de 10 ans pour chaque lettre. En douze jours, Oscar vivra donc 120 ans. "Un mythe du Languedoc veut que pendant les 12 jours de l’avent, on puisse, en observant le temps qu’il fait, prévoir les mois de l’année suivante. J’ai eu envie d’intégrer cela à mon histoire. Je voulais montrer la force de l’imagination, qui permet d’offrir une vie à cet enfant, qui n’a que 12 jours à vivre", explique Eric-Emmanuel Schmitt, joint à Bruxelles par téléphone.
À l’évidence, parler de la maladie d’un enfant est délicat. Mais parce qu’il interroge et se questionne, l’enfant est, selon Schmitt, le philosophe par excellence. "L’enfant est un vrai héros philosophique parce qu’il partage ses questions avec les adultes. Il pose toujours ses questions en partant de la vie, et non de la culture. La culture ne se mêle pas au questionnement philosophique."
Avec Milarepa, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran et L’Enfant de Noé, Oscar et la dame rose fait partie du Cycle de l’invisible, quatre récits sur l’enfance et la spiritualité. "Dans ce cycle, je mets ces enfants en face d’adultes qui ont chacun une foi: l’islam, le judaïsme, le bouddhisme et le christianisme. Dans chaque récit, l’adulte explique à l’enfant comment, avec sa foi, il répond à des situations vitales." Schmitt, lui-même croyant, ne cherche toutefois pas l’endoctrinement. "Ce n’est pas pour dire que Dieu existe, mais plutôt pour évoquer une manière de répondre à une situation donnée."
LA BONNE SANTÉ EST UN ACCIDENT
Au-delà de Dieu, Oscar et la dame rose traite d’abord de la vie et de la maladie. Il s’agit d’une critique du silence des adultes face à la mort. "Au début du livre, Oscar souffre de la maladie, mais il souffre encore plus de la solitude. Il souffre de ne trouver personne à qui parler. Il en veut d’ailleurs terriblement à ses parents qui, au lieu de parler de sa maladie, ne lui apportent que des cadeaux. Je ne veux pas critiquer les parents. C’est très difficile pour des parents d’arriver à trouver un dialogue juste, qui parle de la maladie et de la mort qui approche."
Au dire de l’écrivain, il est illusoire de penser que la bonne santé est normale. "La maladie est plus présente dans nos vies que la société ne se l’avoue. Pourtant, c’est une sagesse de penser à la maladie et à la mort. Les gens qui n’y pensent pas sont tellement pris au dépourvu quand ça leur arrive. Être en bonne santé, c’est un accident; ce qui est normal, c’est d’être malade! Comme disait Camus: "La vie est une maladie mortelle.""
AU RENDEZ-VOUS
Écrit en une dizaine de jours, Oscar et la dame rose est le résultat de cinq ans de méditation. Certes, la délicatesse du sujet l’a fait hésiter. Mais pour chaque oeuvre, l’auteur cultive une longue réflexion avant de mettre sur papier. "Un livre, c’est d’abord un rendez-vous avec les personnages, avec une histoire. J’aime vivre avec cette idée. Je vis des années avec le livre en tête, avec les personnages qui grandissent. Tout ce qui m’arrive dans la vie nourrit ce rendez-vous. Puis, quand c’est trop plein et que je connais tout de l’histoire, je l’écris. À ce moment-là, le rendez-vous est terminé."
Le nôtre commence au Monument-National, avec Rita Lafontaine dans la peau de Mamie Rose. Seule sur scène, elle lira les lettres d’Oscar. La comédienne participe aussi à la mise en scène, de concert avec François Flamand.
C.V.
Eric-Emmanuel Schmitt est l’un des auteurs francophones les plus lus dans le monde. Agrégé de philosophie, c’est "un philosophe qui a choisi la fiction pour s’exprimer". Néanmoins, la religion teinte indéniablement la réflexion philosophique de son oeuvre. "Si vous me demandez si je crois en Dieu, je dis: oui. Si vous me demandez si Dieu existe, je réponds: je ne sais pas."
C’est en 1993 qu’il se fait connaître, avec sa pièce Les Visiteurs. Plusieurs de ses oeuvres ont ensuite marqué le monde littéraire: L’Évangile selon Pilate, La Part de l’autre et son autobiographie, Ma vie avec Mozart.
Odette Toulemonde, premier film écrit et réalisé par Schmitt, vient de sortir en France et se retrouvera sur nos écrans à l’automne 2007. D’ici là, on peut lire Odette Toulemonde et autres histoires, recueil de huit nouvelles inspirées de son film. Né en 1960 à Lyon, il vit actuellement à Bruxelles.
Du 13 au 18 mars
Au Monument-National
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