Là : Ainsi va la vie qui va
Scène

Là : Ainsi va la vie qui va

Serge Boucher dévoile Là, une pièce en cinq actes renversants de réalisme, dans laquelle l’action chevauche trois époques.

Le spectacle s’ouvre sur le présent. François, personnage fétiche de l’auteur, est assis à une table du restaurant qui fut, 30 ans plus tôt, celui de son enfance. Son corps est là, mais son esprit est ailleurs, entre la gravité des souvenirs et l’épaisseur du temps qui passe. Autour de lui s’agitent ceux qui, aujourd’hui, font vivre et vibrer le commerce qui sera bientôt vendu pour être transformé en Jean Coutu.

En revenant sur les lieux de son jeune âge, François renoue avec son amie d’enfance Sylvie, l’actuelle propriétaire de la place, et rencontre le petit monde de cette dernière. Deux fois, à l’aide de ruptures franches et bien amenées, l’auteur nous propulse dans le passé, au début des années 70. On y retrouve Claire et Denis, les parents de François, qui font alors rouler ledit resto. Denis a le coude léger et il lui arrive de disparaître quelques jours, le temps de noyer son mal-être dans les vapeurs d’alcool. Claire, elle, mène la barque sur le point de tanguer… Puis, à l’acte dernier, on nous projette dans le futur, entre deux rangées de savon à linge du Jean Coutu!

HOMMAGE AU QUOTIDIEN

On reconnaît dans l’amour de Serge Boucher pour les relations humaines et pour les détails anodins qui, accumulés, forgent des vies. Son terrain de jeu, c’est aussi l’observation méticuleuse des réflexions qui parcourent quotidiennement nos esprits, mais qu’on ne prend pas la peine de relever. Et lorsque résonnent sur scène ces pensées toutes simples, on se sent profondément reliés à nos semblables!

Bien que les personnages évoluant dans le présent et le futur soient riches et fort bien interprétés (qu’on pense à Dominique Quesnel dans le rôle de Sylvie ou à Benoît McGinnis dans celui de Martin), on se laisse davantage émouvoir par les scènes qui émergent du passé. Guylaine Tremblay brûle les planches dans la peau d’une Claire qui tient son commerce à bout de bras. François Papineau interprète avec talent un Denis malheureux, incapable d’exprimer son malaise. Intéressant d’assister à l’amour et aux déchirements d’un couple appartenant à une autre génération, où le mariage et l’engagement à vie allaient de pair. Adèle Reinhardt, qui incarne plusieurs rôles dont celui de Noëlla, ne donne pas sa place. Tout comme Benoît Brière qui, sous les traits de Timononque, livre une succulente performance. On reste cependant perplexe devant un François (Antoine Durand) muet et effacé. Il faut attendre l’acte 3, lors de son vibrant discours, pour que l’oeuvre entière reprenne son souffle (après une interminable scène de karaoké à la fois pénible et touchante…).

La mise en scène de René Richard Cyr est troublante de réalisme, fidèle à l’écriture de l’auteur. Sa parfaite lecture de l’univers de Boucher nous aide à mieux y pénétrer. On est tout de suite happé par le souci du détail qui caractérise le décor de Réal Benoît, une reconstitution sans faille de la cuisine, du comptoir et de la salle à manger de ce mythique restaurant.

Jusqu’au 7 avril
Au Théâtre Jean Duceppe
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