Le Théâtre de l'Utopie : Conflit de générations
Scène

Le Théâtre de l’Utopie : Conflit de générations

Le Théâtre de l’Utopie présente un collage de textes des auteurs Jorge Luis Borges et Rodrigo Garcia. Quand mythe et contemporanéité s’affrontent.

Après avoir présenté des spectacles de Diderot, Platon ou Tchekhov, le Théâtre de l’Utopie propose – pour sa dixième création – un collage de textes qui s’inspire du récit L’Autre, dans lequel l’auteur et poète argentin Jorge Luis Borges – alors vieux et aveugle – imagine une rencontre avec l’homme qu’il était à 20 ans.

Le spectacle, intitulé Mundo Tango ou l’Amérique au corps, puise également sa source dans la pièce Borges du jeune auteur argentin Rodrigo Garcia. Il s’agit de la première partie d’un diptyque consacré aux identités américaines. Cristina Iovita, fondatrice du Théâtre de l’Utopie, scénarise, adapte et met en scène une rencontre entre ces deux poètes unis par leurs racines, mais séparés par le temps qui passe.

Le mythique et vieillissant Jorge Luis Borges (Marcelo Arroyo), une canne à la main, doit donner une conférence sur Buenos Aires. Dans les heures qui précèdent l’événement, il réfléchit à la ville de sa jeunesse, évoque et ressuscite les mythes de l’histoire argentine, glorifiant les idées et la spéculation au détriment du quotidien. Il aborde les thèmes de la vie, de la mort, de la mémoire, de l’art et de la littérature, de la patrie et de l’identité nationale. Puis, arrive la réplique cinglante et caustique du jeune Rodrigo Garcia (Mathieu Bourguet), qui ne jure que par la réalité contemporaine des choses, peste contre les références culturelles "des vieux poètes décorés" et met Borges au défi de s’ancrer dans la vie. Il se dit lui-même "le porte-parole d’une génération de perdants" et illustre ses propos à l’aide d’un court-métrage qui se veut une ode à la réalité ordinaire. Cependant, cette projection de quelques secondes, qui présente une succession d’images, laisse le public sur sa faim… On n’y perçoit pas les revendications de toute une génération. Le monologue de Garcia est également ponctué des interventions rigolotes d’un jeune couple qui, mêlé au public, passe des commentaires (en espagnol!) à propos des idées qu’avance Garcia. Une présence légère et amusante.

À travers ces deux monologues, un couple de danseurs (Tomas Howlin et Noel Strazza) s’enlace sur un air de tango, art argentin qui défie le temps. Le rythme sensuel et passionné du tango permet au texte de respirer un peu. Le décor (constitué essentiellement d’un pont de bois, de chaises suspendues au plafond et de panneaux qui permettent d’agréables jeux d’ombres) et le riche univers sonore (qui oscille entre la musique traditionnelle et l’électroacoustique) nourrissent bien le spectacle. Résultat? Un récit intéressant mais ardu et difficile à décoder. La première partie, où Borges se dédouble et dialogue avec lui-même, est particulièrement laborieuse, malgré le jeu respectable d’Arroyo. Poésie, prose, écriture scénique et cinématographique s’enchaînent trop rapidement pour qu’on puisse en saisir la substantifique moelle.

Au MAI
Jusqu’au 17 mars
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À voir si vous aimez :
L’Autre de Jorge Luis Borges
La pièce Borges de Rodrigo Garcia