Shen Wei : Carnets de voyage
Le New-Yorkais Shen Wei signe pour la première fois une oeuvre de commande et les heureux élus sont Les Grands Ballets Canadiens de Montréal. Ils nous présentent Re-, II dans le cadre d’un programme éclectique comprenant des pièces de Christopher Wheeldon et de Jirí Kylián.
Danseur, chorégraphe, mais également sculpteur, peintre et réalisateur, Shen Wei réinvente sans cesse la danse en la conjuguant à d’autres moyens d’expression artistique. Chacune de ses oeuvres est très différente de la précédente et chaque fois, il se charge aussi de concevoir la scénographie et les costumes. Sa signature est unique et son talent est tel que les commandes pleuvent depuis qu’il a fondé sa compagnie en 2001. Mais il dispose de peu de temps et sa gestuelle est si particulière qu’il ne travaille pas avec n’importe qui. C’est pourquoi il a observé les danseurs des Grands Ballets au cours d’un atelier de deux semaines avant d’accepter de créer pour eux.
"Ce sont des danseurs très élégants qui tracent des lignes pures, mais ils sont très différents de ceux de ma compagnie, commente le Chinois d’origine établi à New York. L’entraînement classique qu’ils ont tous les matins leur donne une posture très droite. Mon travail porte plutôt sur la notion de gravité, de poids, sur la façon de déplacer le centre, au lieu qu’il soit toujours au milieu. Le corps est moins vertical, il y a beaucoup de torsions, de spirales… Mais j’ai vu qu’ils étaient suffisamment flexibles pour s’adapter à mon style et j’ai été impressionné par leur capacité à passer du classique à autre chose presque instantanément." "On est habitués à garder la tête et la nuque alignées et Shen Wei nous fait faire des mouvements où le poids de la tête nous emporte, ce qui nous désoriente un peu, reconnaît Gabrielle Lamb, l’une des 16 danseuses de la pièce. Sa gestuelle est très spécifique et il est très précis dans ses demandes concernant l’exécution d’un mouvement: le positionnement, le timing, la dynamique…"
Dans Re-, II, la gestuelle tout en torsions et en fluidité évoque les lianes et les racines tortueuses des arbres qui envahissent les temples d’Angkor perdus dans la jungle cambodgienne. Tandis que Re-, I évoquait les souvenirs d’un voyage au Tibet, cette nouvelle création est l’écho d’une semaine entière passée à s’imprégner des atmosphères de ce magnifique site archéologique khmer et à en enregistrer les sons. Ainsi, à l’envoûtante trame sonore composée par le pianiste britannique John Tavener, se mêlent chants d’oiseaux, bruissements de feuilles, voix de jeunes enfants et musique traditionnelle du Moon Band, groupe de musiciens handicapés. Cet univers étonnant nous est également présenté visuellement à travers une sélection de photos projetées en fond de scène et sur le sol à des moments choisis.
Divisée en trois temps, la pièce d’une trentaine de minutes rappelle de façon abstraite les bas-reliefs d’Angkor Vat, la forêt, puis la lente invasion de la pierre par la végétation. Le rythme général est d’une lenteur extrême avec quelques rares accélérations et de très nombreux arrêts sur image. Parfois, les danseurs se tiennent très longtemps totalement immobiles dans des positions extraordinairement inconfortables, nous offrant une façon inhabituelle d’apprécier leur virtuosité.
Du 15 au 17 mars et les 22 et 24 mars
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
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À voir si vous aimez:
Le film Rêves d’Akira Kurosawa
Les compositeurs Olivier Messiaen, Bernard Fort et Ottorino Respighi