Rosemary Butcher : Voir loin
Rosemary Butcher, figure emblématique de la danse britannique d’avant-garde, présente pour la toute première fois son travail au Canada. Un univers qui fascinera les amateurs d’arts visuels et de mouvements minimalistes.
De la danse en Grande-Bretagne, on connaît peu de choses. On a entendu parler du Royal Ballet et de la compagnie de danse intégrée CandoCo, et on a eu la chance d’apprécier les nouveaux talents de la danse contemporaine Akram Khan et Russell Maliphant… qui fut l’élève de Rosemary Butcher. Artiste conceptuelle ayant passé ses jeunes années à New York avec Steve Paxton et les postmodernes de la Judson Church, elle influence la scène britannique depuis plus de 30 ans en bouleversant la perception de ce que peut être la danse. "Je travaille avec le mouvement, avec le corps, mais en m’écartant des conventions de la danse contemporaine et en connexion avec les arts visuels, confie la créatrice sexagénaire jointe par téléphone. À l’origine, mes oeuvres se basent sur l’image, et le mouvement dansé qu’on y voit n’apparaît pas spontanément comme de la danse."
Cherchant à abolir les frontières entre l’art et la vie, Rosemary Butcher nous arrive avec Women and Memory, un programme de quatre oeuvres créées séparément mais traversées par le même thème du voyage et de l’errance: un solo inspiré par des photographies d’Afghanes prises sous le régime des talibans, un film sur la mémoire et le temps tourné dans les paysages andalous, une combinaison danse-projection créée à partir d’un poème sur l’attente, et un nouveau solo en écho au film. Chaque fois, la mise en espace est très précise et les éclairages, très étudiés.
"Je vois le monde d’une façon particulière et j’essaie de saisir des images de cette vision pour les transposer à l’intérieur du corps, explique celle que l’on qualifie de novatrice et radicale. Il s’agit d’un transfert d’un médium à un autre et je ne vois pas ça comme de la danse parce qu’il y a toujours des liens avec l’environnement, la couleur, la lumière, l’architecture… C’est une sensibilité que je traduis dans l’art de la performance." On comprend donc que Rosemary Butcher aime présenter son oeuvre dans les musées, comme la Tate Gallery de Londres où elle a fait salle comble.
Au coeur de ces installations complexes, Elena Giannotti est l’élément vivant que l’on distingue parfois à peine et qui exécute une gestuelle minimaliste et répétitive. "La même petite chose reproduite pendant un long moment permet l’explosion de beaucoup d’émotions, justifie la conceptrice qui aime travailler "au-delà du médium". Bien sûr, ça ne nous est pas servi sur un plateau, mais il se passe beaucoup de choses pendant cette période, qui arrivent à travers la performeuse. C’est plus un happening qu’une pièce."
En octobre, Rosemary Butcher fera sa seconde incursion en France et cela fera aussi cinq ans qu’elle travaille avec la danseuse italienne devenue une sorte de muse. "Elena est une part vitale de la pièce parce qu’on a développé un langage gestuel ensemble et qu’elle est capable de performer à partir des idées, reconnaît-elle. C’est une merveilleuse performeuse: très claire, très précise et très imaginative. C’est tout simplement une rencontre extraordinaire dans ma vie." Souhaitons que Rosemary Butcher en soit aussi une dans la nôtre.
Du 28 au 31 mars
À la Cinquième salle de la Place des Arts
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