Couche avec moi (c’est l’hiver) : Chaleur humaine
Couche avec moi (c’est l’hiver) offre un portrait acéré du couple québécois actuel et des excès de superficialité de la culture populaire.
La pièce s’ouvre sous les allures faussement racoleuses d’un spectacle grand public. Une voix off, qui n’est pas sans rappeler le ton enthousiaste et contrefait des animateurs de Radio Énergie, présente les personnages: Pierre (Stéphan Allard), à la recherche d’un surnom, d’un diminutif qui lui donnerait l’air plus cool; sa fiancée, Suzanne (Éva Daigle), qui voudrait faire correspondre ses désirs aux modèles proposés par la société; Millie (Ansie St-Martin), enfermée dans son appartement du Plateau-Mont-Royal; sa colocataire, Gillian (Julie McClemens); et enfin Hébert (Martin Laroche), un humoriste à succès à la Patrick Huard, en quête de l’approbation de l’élite à travers son projet bidon de "docu-installation" autour duquel gravite l’histoire.
Tous, il leur manque quelque chose pour se sentir définis et bien dans leur peau. Ils cherchent une vérité, aspirent à un amour authentique, un désir durable ou une reconnaissance qu’ils n’ont pas, mais sans parvenir à concilier les dogmes vides de l’imagerie populaire avec leurs espérances profondes. L’auteure Fanny Britt braque ici un miroir sur l’individu et sa représentation, bouscule les apparences pour explorer allègrement la face pathétique de ses personnages. Incapables de communiquer, d’entrer réellement en contact les uns avec les autres, ils plongeront dans la détresse et révéleront leur vulnérabilité.
Mise en scène à la manière d’un véritable spectacle par Geoffrey Gaquère (appuyé par le décor intelligemment dépouillé de Jean Bard et les costumes sobrement évocateurs de Jennifer Tremblay), la pièce alterne entre le comique burlesque, la satire provocante et la tristesse désespérée. Il serait toutefois plus juste de l’aborder sans la prétention critique qu’on aurait tendance à lui accoler, car aussi durs que puissent être certains constats, ils soulèvent des questionnements connus sans vraiment rien suggérer de nouveau: chaque personnage s’enfonce dans sa solitude, impuissant à atteindre ce qu’il est, ce qu’il veut être, et le spectateur, pourtant bien diverti, s’en retourne chez lui un peu sur sa faim, avec ce sentiment très postmoderne qu’est la désillusion.
Jusqu’au 14 avril
Au Théâtre de la Bordée
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