Mia Maure Danse : Éros et Thanatos
Scène

Mia Maure Danse : Éros et Thanatos

Mia Maure Danse nous arrive avec une nouvelle oeuvre où voix, image et mouvement se conjuguent pour nous livrer un exposé corporel faisant fi de tout accommodement raisonnable.

Ils ont fait salle comble l’an dernier avec la reprise de L’Hygiène de l’orateur, premier exposé corporel où ils étudiaient les interactions entre voix et mouvement avec la complicité du comédien Gaétan Nadeau. Dans Quoi faire avec ce corps? Essais cliniques, le tandem Marie-Stéphane Ledoux et Jacques Brochu s’intéresse aux effets de la contention sur la mobilité du corps. "On a travaillé avec différents niveaux de résistance: serrer le corps, le tenir, le contenir…, explique la chorégraphe. En même temps, on a cherché à créer l’abandon dans le reste du corps pour explorer de façon particulière la mobilité articulaire." Parfois aussi, la pression devient appui et opportunité, aidant le danseur à dépasser ses capacités habituelles.

Des béquilles de Marie Chouinard aux cordes de Ginette Laurin, en passant par les minuscules chaussures de Wen Wei Wang, le thème de la contrainte semble s’imposer chez les créateurs canadiens. Consciente de subir les influences des forces flottant dans l’air du temps, Marie-Stéphane Ledoux s’avoue particulièrement touchée par les femmes sous les burkas, révélant que les notions de soumission et de domination ont présidé à la création de cette nouvelle oeuvre. "C’est un aspect qui n’est peut-être pas apparent dans le résultat final mais qui est sous-jacent, affirme-t-elle. On montre surtout comment s’exprime le désir intense dans les relations humaines et les jeux érotiques qui peuvent découler du rapport dominant-dominé. Mais c’est sûr qu’il y a une connotation politique du fait du monde dans lequel on vit."

Au seuil du sadomasochisme et du fétichisme, Quoi faire avec ce corps? Essais cliniques se présente comme une série de tableaux où le thème se décline sous diverses formes, les manipulateurs-dominateurs étant aussi bien féminins que masculins. Souvent, les scènes sont "multi-métaphoriques", de manière à ce que chacun puisse s’inventer sa propre histoire. Mia Maure Danse veille toujours à créer les conditions de cette liberté-là pour le spectateur. La multidisciplinarité est une autre constante, Jacques Brochu étant issu des arts visuels et s’étant spécialisé dans le rapport entre le corps et l’image.

"La vidéo vient ponctuer, amener un sens plus explicite parfois… Mais on est des plasticiens, pas des metteurs en scène ni des auteurs, précise Marie-Stéphane Ledoux. C’est une recherche plastique, une recherche sur la morphologie des corps qui nous permet d’aller dans le psychédélisme qu’on aime avec transformation de la matière et ajout de couleurs pour donner une dimension plus onirique."

Poursuivant la fructueuse association de L’Hygiène de l’orateur, l’extraordinaire Gaétan Nadeau est le professeur improbable de cette drôle de leçon d’anatomie. La pièce précédente détournait des extraits d’un traité de phonétique, celle-ci emprunte à un précis de l’art du bondage japonais, à un rapport sur les effets psychologiques de la chirurgie plastique et au manifeste de l’Art Charnel d’Orlan. À ce collage littéraire s’ajoutent des textes originaux issus de l’imaginaire de Gaétan Nadeau, stimulé par la voie somatique grâce au mouvement authentique – qui consiste à fermer les yeux et à laisser émerger ce qui vient.

"Gaétan est acteur de formation et sa tendance naturelle serait de toujours parler et d’être dans la psychologie, commente Marie-Stéphane Ledoux. Le mouvement authentique lui permet de descendre en lui-même: il régresse, il rampe… Ce sont des états de corps magnifiques et là, il fait de la voix, il parle… Ensuite, dans notre façon de diriger, notre approche est plutôt musicale: on joue sur les types de voix, les répétitions, les ponctuations et les silences…"

Une fois encore, Mia Maure Danse nous convie à un étrange happening. Et même s’il s’agit d’un work in progress et que la compagnie déroge à ses habitudes en nous le présentant dans le contexte traditionnel d’une scène à l’italienne, on ne doute pas une seconde du plaisir qu’on aura à se laisser toucher par l’expérience.

Du 29 au 31 mars à 20 h 30 et le 1er avril à 16 h
À Tangente
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