Santiago : Procession de foi
Santiago d’Hélène Robitaille présente autant de facettes que la poignée de pèlerins qu’elle met en scène. D’un bon pas, dans plusieurs directions.
Un soir, dans un Moyen Âge imaginaire, Jacquot (Frédérick Bouffard), un voleur de grands chemins, s’approche du campement de Jehan (Christian Michaud), un bon pèlerin revenant de Compostelle. Accueilli avec générosité, il ne peut néanmoins s’empêcher de commettre l’irréparable. Après quoi, Ambrosio (Réjean Vallée), un homme qui a apparemment lui aussi quelque chose à se faire pardonner, alors qu’avec sa fille Marta (Marjorie Vaillancourt), il se trimbale d’un lieu saint à l’autre depuis 16 ans, l’entraîne avec lui et ses compagnons sur une route semée de culpabilité et de désirs troubles, qui les mènera peut-être à la rédemption… Voilà pour le drame. Cela dit, il serait précipité de conclure qu’un tel sujet confine à la tourmente. En effet, ici, le caractère typé de personnages sans concession – du reste solidement interprétés -, impose une certaine désinvolture, non sans toutefois qu’à l’ombre des grands traits qui les caractérisent ne subsistent des ambiguïtés qui nous les rendent intrigants, ou encore que des scènes surréalistes en révèlent des aspects plus psychologiques, voire psychanalytiques. Dans un cas comme dans l’autre, Philippe Soldevila privilégie la démesure, frappant l’imaginaire par des images fortes et venant ajouter des couches de sens à un propos déjà dense.
Quant à l’humour, il est porté par la plupart des autres personnages, d’Eugenio dit Le Lent (Pierre Potvin), un vieux bonhomme niais, à Daniel (Lucien Ratio), un orphelin couard qui rêve de devenir bandit, en passant par Begonia (Marie-France Tanguay) et Basilio (aussi Michaud), un couple de pèlerins à la besace pleine d’histoires incroyables. Et c’est au gré d’un jeu savoureux que leur naïveté nous amuse, tout en nous attendrissant. De même, les marches, efficacement mises en scène au rythme de la musique de Pascal Robitaille, grâce à un dispositif scénique (Christian Fontaine) permettant l’exploitation de l’espace en hauteur et en profondeur, ainsi qu’à l’intervention d’Harold Rhéaume à la coordination des mouvements, rehaussent l’énergie fantaisiste et aventurière du spectacle. Bref, autant dire qu’à l’instar d’un groupe de pèlerins, Santiago se fait plutôt hétéroclite, nous dépaysant par son style bigarré et nous laissant sur une impression d’accumulation plutôt que de fusion en un tout dépassant la somme de ses parties. Même la marche, commune à tout ce beau monde, agit davantage comme un élément de ponctuation que d’unification. N’empêche, l’ensemble présente une constante incontournable: son indéfectible aplomb, dans la drôlerie comme dans la gravité.
Jusqu’au 7 avril
Au Théâtre Périscope
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