Christopher House : Retour vers le futur
Scène

Christopher House : Retour vers le futur

Christopher House, l’ingénieux chorégraphe du Toronto Dance Theatre, joue avec le temps et les capacités du corps humain dans Timecode Break, une pièce pour 12 interprètes sur scène et leurs doubles à l’écran.

Apprécié pour la virtuosité de ses danseurs, le Toronto Dance Theatre est surtout réputé pour l’audace et l’inventivité de son directeur artistique, le chorégraphe Christopher House. Auteur d’une cinquantaine d’oeuvres à ce jour, il s’est détourné de l’académisme après avoir beaucoup travaillé la physicalité et la musicalité du mouvement. L’exploration des territoires de la multidisciplinarité à laquelle il s’adonne depuis 2000 l’a cependant amené à renouer avec des approches oubliées pour la création de Timecode Break, l’an dernier. On y voit par exemple des mouvements de groupe et la gestuelle, très technique, exige un solide entraînement classique.

"En travaillant avec la vidéo, les possibilités de révéler en même temps le corps vivant et le corps virtuel étaient très intéressantes pour moi, confie le chorégraphe. D’une certaine façon, c’est une pièce sur les limites de la virtuosité, elle montre jusqu’à quel point le corps peut lutter contre la gravité. Les gens font des mouvements impossibles à l’écran, mais sur scène, ils font aussi des choses incroyables parce qu’une bonne partie de la chorégraphie a été développée en utilisant l’ordinateur. Par exemple, j’avais chorégraphié certains mouvements pour des actions extraordinaires et finalement, les danseurs les exécutent à l’envers. Ça donne une coordination très étrange et inattendue."

La pièce a été créée de façon très originale. Christopher House a d’abord élaboré des phrases chorégraphiques à partir d’improvisations filmées des danseurs. Chacun d’entre eux a ensuite sélectionné un phrasé dans les propositions du chorégraphe et a choisi son rythme d’exécution et son déplacement dans l’espace. Les interprètes ont à nouveau été filmés et un montage a déconstruit leur chorégraphie dont ils ont dansé la version modifiée devant la caméra. Le processus s’est ainsi répété plusieurs fois avec le précieux concours du vidéaste Nico Stagias.

"Mon propos était vraiment de considérer le corps dans le temps et dans l’espace grâce à la technologie, commente Christopher House. La vidéo est souvent utilisée pour montrer la vie intérieure des danseurs. On voit parfois des gros plans des visages qu’on ne peut pas distinguer dans une performance. Et comme il y a beaucoup d’improvisation dans la vidéo, elle est souvent agitée, parfois violente, très passionnée, alors que ce qui se passe sur scène est généralement beaucoup plus contrôlé. Mais d’un côté, la pièce est très extatique, je pense: ce n’est pas que de la danse hardcore, il y a aussi des moments très tendres."

Le "timecode" est une marque temporelle sur la vidéo servant au repérage précis des images. En jouant sur les ralentis, les retours rapides, les arrêts sur image et autres possibilités, le chorégraphe interrompt le cours normal des choses, inscrivant ses danseurs dans un temps mythique où passé et présent se rejoignent pour souligner le caractère grandiose mais aussi éphémère de la beauté et de la force physiques. Déjà, les danseurs sont plus âgés que sur le film. Et si Christopher House a chorégraphié simultanément pour la scène et l’écran, il dit avoir créé deux oeuvres: "une à présenter dans les années qui viennent et une autre, j’espère, que nous pourrons encore danser dans 10 ou 20 ans."

Du 12 au 14 avril
À la Salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau
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