Je voudrais me déposer la tête : Tous pour un
Scène

Je voudrais me déposer la tête : Tous pour un

Je voudrais me déposer la tête ravit par son énergie remuante et poétique.

Claude Poissant relevait un pari intéressant: celui d’adapter au théâtre une sorte de "journal psychologique", écho de l’univers intérieur d’un seul personnage. Exercice périlleux qui aurait pu mener tout droit vers une oeuvre lourde et complaisante – rappelons qu’il s’agit d’un deuil après le suicide d’un ami. Mais Poissant fait de ce récit, écrit par Jonathan Harnois, une création agile et théâtrale. Inventive, la mise en scène du directeur du PàP est bien découpée, très imagée.

Quand Ludo apprend que son meilleur ami Félix s’est tué, il est sous le choc. La veille, bien arrosée, ne laissait en rien présager ce drame. Ludo, 20 ans, entreprend alors un pèlerinage. Il marche longuement jusqu’au village de Félix, où il ira chercher le chapeau du défunt, rempli de souvenirs. La route du jeune homme sera un véritable exorcisme, un tourbillon poétique.

Trois acteurs (Christian Baril, Étienne Pilon, François Simon T. Poirier) se partagent le personnage de Ludo. Les trois jeunes hommes n’ont ni le même physique, ni la même façon de jouer. Par conséquent, à eux trois ils universalisent le drame. Voilà une source de dynamisme indéniable. Ludo est décortiqué sous de multiples facettes: la révolte, la douleur, la culpabilité, le retour à la vie. Le trio aiguillonne le texte et jamais on ne perd l’intérêt.

Deux personnages féminins assistent Ludo vers la résilience, dont la lumineuse Andelle (Sylvie de Morais-Nogueira), amoureuse de Ludo. Bien que ce personnage soit nécessaire, il n’est pas aussi percutant que celui de la mère endeuillée (Annick Bergeron). Son apparition, vers la fin de la pièce, change ingénieusement la méthode narrative de l’oeuvre. Un nouveau point de vue, une nouvelle tristesse. Cette scène est un réel moment de grâce. Bergeron est touchante, son jeu est solide.

Le travail de Romain Fabre à la scénographie est aussi excellent. Son décor en pente, sans murs, est vertigineux; on dirait un îlot flottant dans le vide, engendrant un déséquilibre constant. Il donne justement envie de se déposer la tête.

Jusqu’au 21 avril
Au Théâtre Espace GO
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