L’Homme éléphant : Lentement la beauté
L’Homme éléphant, dans une mise en scène de Hugo Lamarre, propose une lecture aussi intéressante que sentie de l’histoire de John Merrick. Peut-être même plus que le texte, en fait.
Lorsqu’elle était enceinte, sa mère aurait eu terriblement peur d’un éléphant. Voilà ce qui, selon John Merrick (Vincent Champoux), expliquerait son incroyable difformité… Basée sur l’histoire de cet homme ayant réellement vécu en Angleterre à la fin du XIXe siècle, la pièce de Bernard Pomerance nous le présente alors que, après avoir été arraché à l’assistance publique puis exploité pendant des années par un forain sans scrupules (Thomas Gionet-Lavigne), celui-ci se voit enfin offrir la chance de mener une vie "normale", sous la protection d’un docteur (Jean-Nicolas Marquis), qui va même jusqu’à engager une actrice (Sophie Martin) afin de lui assurer une présence féminine. Ce faisant, tous tombent sous le charme de cet être d’exception, en qui ils se reconnaissent, non sans bientôt y déceler en creux l’empreinte de leurs propres failles…
Si l’entrée en matière de L’Homme éléphant paraît quelque peu laborieuse, avec ses mises en contexte, ses synthèses elliptiques, le vent tourne lorsque Merrick fait enfin entendre sa voix, révélant à l’actrice qui le visite un esprit d’une grande finesse. Cela dit, Hugo Lamarre parvient néanmoins à donner du ressort à l’aspect plus documentaire de l’ensemble, grâce à une mise en scène prenant ponctuellement des allures de manège, évocation de ces foires si familières au personnage. N’empêche, c’est lorsqu’on délaisse la superficialité des faits pour toucher l’âme de ce dernier, fascinant tant par sa douceur et son intelligence que par son incidence sur autrui, qu’on se sent vraiment interpelés par ce récit, mettant en relief l’importance d’aller au-delà des apparences. Et quoi de mieux, pour servir ce propos, que d’explorer les possibilités de l’éclairage? C’est ainsi qu’au gré d’un ballet de projections et d’ombres chinoises se dessine un univers aussi particulier qu’envoûtant, auquel il faut tout de même un certain temps pour s’adapter, habitués que nous sommes à voir constamment le visage des comédiens. Sans compter qu’on cherche à décoder les signes, le corps monstrueux de l’homme éléphant n’étant jamais qu’évoqué, tandis qu’on ne voit des autres personnages que leur costume. Voilà une manière pertinente d’insister sur l’intériorité de l’un, se manifestant en pleine lumière sous les traits de Vincent Champoux, et l’extériorité des autres, qui en sont réduits à leur rôle. Mais le plus beau, c’est lorsque l’effet dramatique des contrastes et du jeu fait en sorte qu’au-delà de toute analyse, on ressent profondément ce dont il est question.
Jusqu’au 14 avril
À Premier Acte
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