Sizwe Banzi est mort : Double identité
L’Usine C présente Sizwe Banzi est mort, une pièce créée dans les ghettos d’Afrique du Sud et mise en scène par Peter Brook.
Joint par téléphone lors de la tournée mexicaine de la pièce, Pitcho Womba Konga, qui incarne le personnage de Sizwe Banzi, révèle ses couleurs: "Je suis issu de la culture hip-hop. Je fais du rap et du slam, et c’est le hip-hop qui m’a mené vers le théâtre." Du coup, il n’est pas étonnant d’apprendre que juste avant de jouer à l’Usine C, le 8 avril, le rappeur se permettra de chauffer la scène des Foufs avec un show hip-hop…
Sans contredit, l’itinéraire artistique du rappeur/acteur a quelque chose d’insolite. Konga, qui a fondé son premier groupe rap en 1994, avoue que le théâtre est un accident de parcours. Heureux accident, puisque parmi les trois pièces inscrites à son C.V., deux sont des mises en scène du renommé Peter Brook. "J’ai débuté avec une pièce d’une amie, la metteure en scène bruxelloise Rosa Gasquet. À la suite de quoi on m’a demandé de passer une audition pour Tierno Bokar, la première pièce de Brook dans laquelle j’ai joué. J’ai eu de la chance", raconte l’artiste belge d’origine congolaise.
THÉÂTRE DES TOWNSHIPS
Sa chance l’amène maintenant dans l’univers des townships, ces ghettos d’Afrique du Sud. Écrite par un Blanc et deux Noirs sud-africains (Athol Fugard, John Kani, Winston Ntshona), Sizwe Banzi est mort traite de la réalité des Noirs dans le contexte de l’apartheid. Sizwe Banzi, un fermier noir, émigre vers la capitale pour trouver du travail. Mission quasi impossible quand on sait qu’à l’époque de l’apartheid, les Noirs n’avaient le droit de travailler que dans les régions où ils étaient nés. Sizwe Banzi, cherchant des papiers en règle, conçoit une astuce pour trouver un boulot: il prend l’identité d’un mort.
Créée dans les années 70, la pièce demeure nettement pertinente. "Elle le sera malheureusement encore longtemps, croit Konga. Dans tous les pays qui ont une économie en plus ou moins bonne santé, on retrouve le problème des sans-papiers. Quand on voit les États-Unis qui décident de faire un mur à la frontière du Mexique, ou quand Sarkozy durcit la politique d’immigration, on se rend compte que c’est encore un problème d’actualité."
Fils de réfugiés politiques, Konga est arrivé en Belgique à l’âge de 7 ans. "Il y a plusieurs choses qui ressemblent au parcours de mes parents dans la pièce. En tant qu’enfant, je ne comprenais pas ce qui se passait. Mais à travers cette oeuvre, je réalise ce que peut être la douleur des déplacements."
La Scandinavie, les Amériques, l’océan Indien ou l’Europe, Sizwe Banzi est mort tourne depuis un an et ne s’arrêtera pas avant mars 2008. "Mis à part l’apartheid et la question de l’immigration, ça parle aussi de l’exploitation de l’homme par l’homme. Ça explique, selon moi, la popularité de la pièce. Les gens n’ont pas besoin d’avoir connu l’immigration pour s’y reconnaître", conclut-il.
Du 11 au 14 avril
À l’Usine C
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