Éric Jean : Lieux de culte
Éric Jean signe la mise en scène de Chasseurs, un spectacle basé sur des improvisations menées dans des lieux réels.
Il y a plus de dix ans qu’Éric Jean construit des spectacles à partir des improvisations de ses acteurs. Hippocampe, en 2002, et Corps étrangers, l’an dernier, ont été créés de cette manière. Avec Chasseurs, le directeur artistique du Théâtre de Quat’Sous et son complice, le dramaturge Pascal Brullemans, vont plus loin. Cette fois, les improvisations des acteurs – Hector Castaneda Arceo, Agathe Lanctôt, Johanne Lebrun, Benoît McGinnis, Nelly Magana, Dominique Quesnel et Christian Rangel – ont été menées dans des lieux réels: une salle de cinéma, un vieux hangar industriel dans l’ouest de la ville, un champ désert en pleine campagne, la scène d’un théâtre et… le mât du Stade olympique.
LE GOUT DU RISQUE
Éric Jean avoue partager avec Pascal Brullemans un gout croissant pour le risque: "On est un peu cascadeurs. On a toujours envie de pousser un peu plus loin nos limites. Cette fois, pour se déstabiliser un peu plus, on a décidé d’aller vers des lieux réels. Pour voir comment les acteurs allaient interagir, de quelle manière ils allaient être influencés par ces endroits." Un processus expérimental, donc, mais tout de même soigneusement encadré. Pour "trouver" leurs personnages, les acteurs, quatre Québécois et trois Mexicains, étaient sommés de se rendre, maquillés et costumés, à un rendez-vous. Dans ces endroits inspirants, le metteur en scène dirigeait de fertiles séances d’improvisation: "Tous les acteurs avaient un petit écouteur dans l’oreille. Un récepteur qui me permettait de leur parler, de leur donner des notes, en privé ou à tout le monde en même temps. C’était la première fois que j’utilisais cette technologie et j’ai trouvé ça extraordinaire. Ça m’a donné de nouvelles manières d’intervenir dans les improvisations. C’est sûr que je vais réutiliser ça."
Pour consigner les moindres détails de cette exploration pas banale, à laquelle Anne-Catherine Lebeau, Magalie Amyot, Pierre-Étienne Locas, Jan Komarek, Vincent Letellier et Simon Bélanger ont activement collaboré, le metteur en scène a fait appel à une vidéaste (Manon Cousin) et à un photographe (Guillaume Simoneau): "Pour construire le spectacle, on aurait pu se contenter d’une simple captation vidéo. Si j’ai fait appel à une vidéaste et à un photographe, c’est que j’avais envie que les spectateurs aient accès à la méthode, qu’ils puissent comprendre comment l’aventure avait commencé." Ainsi, dans le foyer du théâtre, les spectateurs pourront contempler 18 photos et une petite installation vidéo retraçant les moments forts de la gestation du spectacle. Contrairement à Corps étrangers, où l’anecdote se résumait à bien peu de chose, ce nouveau spectacle s’appuie sur une véritable intrigue. On y suit les aventures de Walter (McGinnis), un jeune homme qui décide de faire la lumière sur le passé de sa mère (Quesnel). En allant à la rencontre de cette femme qu’il n’a pas vue depuis 15 ans, Walter s’engage dans une quête, un périple qui le mène tout droit dans l’inquiétant repaire d’une meute de chasseurs et de loups. Au coeur de la forêt, dans une sorte de cabaret des pulsions, les personnages de Chasseurs ont la lourde tâche de se réconcilier avec leurs douloureuses origines.
En août prochain, le Théâtre de Quat’Sous sera démoli pour permettre la construction d’un théâtre tout neuf. Chasseurs est donc le dernier spectacle qui sera présenté entre les murs de cette ancienne synagogue devenue théâtre en 1965. Éric Jean tenait à signer ce dernier spectacle, une production qui fait la part belle au risque. C’est pour lui une manière de réaffirmer la vocation du petit théâtre de l’avenue des Pins: "Ce n’est tellement pas valorisé en ce moment de prendre des risques au théâtre. Au Quat’Sous, c’est une chose qu’il faut absolument protéger!"
Du 16 avril au 19 mai
Au Théâtre de Quat’Sous
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