Les Entrailles : Aux confins de la création
Scène

Les Entrailles : Aux confins de la création

Avec Les Entrailles, Joël Beddows se jette dans le vide et fait le pari audacieux de monter une pièce du poète Claude Gauvreau qualifiée d’"impossible" par plusieurs. Rencontre avec le brave.

À quelques semaines de la première de Les Entrailles, texte de Claude Gauvreau qu’il a choisi de monter, le directeur artistique du Théâtre la Catapulte, Joël Beddows, remet les pendules à l’heure: "Je trouve que le jugement sur le texte, comme sur l’écriture de Gauvreau en général, ne mérite pas sa réputation d’un auteur opaque qui ne cherche pas à communiquer, qui propose des textes qui se réfèrent seulement à eux-mêmes… Gauvreau cherche désespérément à être compris à travers ses textes, et surtout dans le cas présent", avance-t-il.

Ne proposant pas d’histoire à proprement parler, Les Entrailles aborde la genèse de l’acte créateur en une série de scènes reliées par un réseau de sens. Portée par la poésie onirique de ce signataire du Refus global, la pièce est une "mise à nu d’un espace mental, celui de l’écrivain qui crée et qui réfléchit avec lui-même", retrace le metteur en scène. "C’est le trajet du poète créateur qui passe de l’idéation jusqu’à la réalisation, suivi bien évidemment de la remise en question. Parce que le doute est partout chez l’artiste".

Ainsi, dans son travail de mise en scène, Beddows aura agi surtout comme débroussailleur de chemin vers cette poésie dense, délirante: "Notre travail a été de trouver le ton, le registre, les stratégies scéniques nécessaires pour s’assurer que cette poésie passe auprès du spectateur, parce que c’est une poésie d’une grande folie, ludique. Ce n’est pas une poésie aride ou intellectuelle", assure-t-il.

L’action prend racine dans une chapelle automatique où un artiste, le non nommé Claude Gauvreau, fait naître quatre avatars "fantômes", ne vivant d’aucune loi ou règle: la muse, l’inspiration, l’oeuvre et la figure de l’écrivain. "Les objets théâtraux de Gauvreau sont conçus comme des objets de rhétorique. Alors, c’est un travail de minutie, on est vraiment des orfèvres en ce moment. Chaque geste, chaque déplacement a une importance. C’est vraiment un théâtre de la parole. On y est bercé et c’est presque hypnotique par moments", concède Joël Beddows, qui défend bien la pièce d’être hermétique. "Maintenant qu’on est dans les enchaînements, c’est bizarrement clair. Dès qu’on accepte qu’on est dans une logique de poésie, que la langue est continuellement redéfinie, ça devient une logique en soi et on n’a pas de problème à la suivre du tout."

Les Entrailles est aussi l’occasion pour Joël Beddows de retravailler avec Annick Léger après le fabuleux Testament du couturier de Michel Ouellette. En coproduction avec Scène Québec et en collaboration avec Espace libre, le projet a aussi permis au metteur en scène de choisir trois comédiens montréalais de talent, Hugues Fortin, Evelyne Rompré et Patricia Ubeda. "J’ai découvert avec ces trois comédiens des gens qui, comme Annick, n’avaient pas peur des formes théâtrales qui étaient moins mimétiques, qui étaient prêts à plonger corps et âme dans un théâtre qui ne cherche pas à se référer à la réalité, au contraire."

Une grande importance a aussi été allouée au décor, qui découle plus précisément du poème Fatigue et réalité sans soupçon de Gauvreau et qui s’inspire des sculptures de Rabinovitch et de Fernand Leduc notamment. "Il n’y a rien d’organique sur scène. Tout se réfère à l’organicité, mais rien ne l’est, comme la poésie de Gauvreau." Les points de référence des costumes ont quant à eux été puisés à même la vie du poète: "Il y a certainement un petit côté hommage dans ce spectacle", conclut Joël Beddows.

Du 18 au 28 avril à 20h
À La Nouvelle Scène
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