Les Frères Laforêt : Au nom du père et du fils
Avec Les Frères Laforêt, François Archambault et Patrice Dubois décrivent une société coupée de ses racines.
Cette saison, entre les murs de La Licorne, ont vu le jour non pas une, mais bien deux éclairantes réflexions sur la condition masculine. Après Coma Unplugged, une pièce de Pierre-Michel Tremblay mise en scène par Denis Bernard, voici Les Frères Laforêt, un texte de François Archambault dirigé par Patrice Dubois.
Plus encore que la paternité, la fraternité et la rivalité, la sixième création de Janvier Toupin Théâtre d’Envergure aborde les difficultés qu’il y a à dénicher un sens à sa vie dans une société envoûtée par le commerce, la consommation et la rentabilité. Dans un tel contexte, que peut bien signifier la mort d’un père? Quelle valeur peut bien avoir un arbre, même millénaire? Comment trouver le temps d’être un amoureux, un frère ou un père? Daniel et Phillipe Laforêt sont deux frères aussi différents que Caïn et Abel. Homme d’affaires, Daniel (Dany Michaud) est avide de réussite, préoccupé par les apparences et obnubilé par la productivité. Il refuse catégoriquement de ressentir. Phillipe (Patrice Dubois), c’est tout le contraire. Vidéaste, il est en quête de vérité et d’authenticité. Contrairement à son frère, il a l’impression de trop ressentir. La mort du père, qui semble laisser Daniel de glace, plonge Phillipe dans une véritable dépression, l’oblige à une profonde remise en question. Ce sont d’ailleurs les visites que Phillipe rend à son psychologue qui rythment le spectacle. Entre les séances de thérapie et les discussions orageuses entre l’aîné et le cadet, il y a les mystérieuses apparitions du grand-père, un fantôme au mutisme éloquent incarné par le charismatique Armand Vaillancourt.
La mise en scène de Patrice Dubois excelle à évoquer les lieux et les époques. Dans le décor en bois franc d’Olivier Landreville, dans les cordes sensibles de Ludovic Bonnier et dans le lumineux sous-bois de Martin Gagné, on goûte une sobriété des plus efficaces. Dans les dialogues de François Archambault, on trouve l’humour et l’ironie qui ont fait la marque de son théâtre, une tendresse en plus. De cet affrontement spectaculaire entre les frères Laforêt s’élève un hommage vibrant à la tradition, un plaidoyer des plus actuels pour la mémoire et la transmission.
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