Marc Alain Robitaille : Dimension hippique
Marc Alain Robitaille s’est vu confier la mission de dépoussiérer Le Tartuffe de Molière. Version équestre intemporelle, à l’allure sportive et lumineuse.
Le Tartuffe marque un tournant pour Marc Alain Robitaille, qui a longtemps oeuvré à titre de comédien-créateur dans le domaine du théâtre pour ados. "C’est mon premier grand plateau comme metteur en scène, lance-t-il. Quand Gill Champagne m’a appelé, il y a un an, je ne m’attendais pas à ça; c’était un gros cadeau. Il m’a demandé de dépoussiérer cette oeuvre. Donc, j’ai fait quelques coupures dans le texte, enlevé ce qui était trop archaïque. Pour moi, c’était un devoir que de le rendre clair. Je désirais être près du public, qu’il ait du plaisir à regarder le spectacle et qu’il le comprenne très bien. Le défi était de prendre tout cet espace et de le faire vivre. D’essayer, aussi, de moderniser un peu la pensée des personnages, d’amener les comédiens à aller chercher ailleurs quant à la courte psychologie de ces derniers, et de rester dans la vérité, même si les scènes sont comiques."
Tablant sur la religion comme outil de manipulation, la pièce n’est par ailleurs pas sans s’inscrire dans l’air du temps. "Pour moi, ça parle de l’écart entre les riches et les pauvres, explique-t-il. C’est-à-dire que c’est comme si Tartuffe était né dans un bidonville ou qu’il était très pauvre; son péché, c’est l’envie. Puis, il arrive dans une famille immensément riche, où il va avoir du pouvoir et être en mesure de réaliser son rêve – c’est d’ailleurs ce que j’ai essayé de montrer par la scénographie, les costumes: le faste, l’opulence de la famille d’Orgon. Alors, il se sert de la religion pour "brainwasher" Orgon, parce qu’il est très pieux; il a vu cette fragilité et il l’utilise." Cela dit, tandis que l’homme va jusqu’à la folie dans sa volonté de se rapprocher de Dieu en pratiquant une manière de simplicité volontaire avant la lettre, sa famille, elle, n’est pas sans offrir certaines résistances, ce qui entraîne son lot de péripéties. "J’ai beaucoup parlé de l’émission 24 Heures chrono, parce qu’il y a tellement de périls qui surviennent en 12 heures que ce n’est pas croyable, commente-t-il. Mais comme c’est une comédie, ça passe."
Enfin, sa mise en scène cherche notamment à mettre en relief l’intemporalité de la pièce. "En fait, ma façon d’entreprendre le travail n’était pas intellectuelle. C’est beaucoup des images que j’ai présentées aux concepteurs. Aussi, je cherchais un lieu où les gens pouvaient se rencontrer et, au fur et à mesure, on en est arrivés à situer ça dans une écurie, parce que les chevaux, il y en a eu hier, il y en a aujourd’hui et il y en aura demain. Alors, les riches se promènent à cheval et je les fais jouer comme des pur-sang; ça donne une mise en scène plus sportive. Et, évidemment, il y a plein de symboliques rattachées à ça. C’est un mélange entre les images religieuses et les chevaux: les chevaux comme symboles du désir sexuel, alors que Tartuffe est amoureux d’Elmire, la femme d’Orgon, les chevaux sauvages, les chevaux harnachés… Je pense que les spectateurs vont pouvoir en faire plusieurs lectures", estime-t-il, avant de conclure: "Ça donne quelque chose de très lumineux; on va vraiment vers la comédie de Molière."
Du 17 avril au 11 mai
Au Grand Théâtre
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