40 % de déséquilibre : Vérité ou conséquence
Scène

40 % de déséquilibre : Vérité ou conséquence

40 % de déséquilibre, avec ses chorégraphies et ses récits entremêlés, crée une véritable zone d’inconfort. On est en plein théâtre performatif.

C’est avec une intensité emphatique que les cinq acteurs-performeurs habitent le décor rugueux – contreplaqué, poussière de roche, blocs de ciment – de 40% de déséquilibre. S’adressant directement au public, les acteurs, qui jouent leur propre rôle, désorientent à coup sûr. "Est-ce que quelqu’un voudrait me prendre dans ses bras?" demande une des comédiennes, qui réitérera sa demande jusqu’à ce qu’un spectateur moins engourdi que les autres honore l’invitation. Abattre le quatrième mur est un exercice risqué. Sans contredit, tous les acteurs de la pièce (Grégory Flayol, Xavier Malo, Janick Rousseau, Claudine Robillard, Martin Vaillancourt) possèdent la dose de témérité nécessaire à la chose. Vérité ou conséquence? lance-t-on au public avant de l’inviter à proposer des conséquences. Tout peut arriver. Notamment, le soir de notre passage, l’une a dû se suspendre, la tête vers le bas, de la dixième marche d’une échelle fixée au plafond. Décidément, l’oeuvre de ce jeune collectif brille par son cran.

Or, si 40 % de déséquilibre regorge de moments cinglants, on se demande si un spectacle peut se bâtir que sur des effets. La création, écrite et mise en scène par Anne-Marie Guilmaine, souffre d’un manque flagrant de causes. L’audace ne suffit pas. Système Kangourou bâtit son jeu sur le mouvement et sur le rapport direct avec le spectateur. Mais à force de vouloir mettre ce dernier dans le coup, on finit par le perdre. Rien de narratif ne cimente l’oeuvre. Des bribes d’histoires lancées ici et là par les comédiens exposent leur désespoir, leur peur de la routine, leur crise d’identité. Typique d’une génération "fast-food", aucun récit n’est approfondi. On zappe, on saute sans répit du coq à l’âne. L’urgence, le goût de l’extrême, le désir de dépasser les limites, tout ça est bien ressenti, mais c’est amené trop brusquement. On met le spectateur devant le fait accompli. Durant les 2 h 30 que dure la pièce, on cherche hélas les éléments déclencheurs de ce qui nous est montré.

À l’instar de ses acteurs-personnages, 40 % de déséquilibre gagnerait à aiguiser sa personnalité. Chose certaine, emprunter des sentiers broussailleux est épineux. Système Kangourou le savait et n’a pas eu peur de s’égratigner.

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