Érika Gagnon : Vrai départ
Scène

Érika Gagnon : Vrai départ

Érika Gagnon reprend la barre d’Indépendance, de Lee Blessing, le temps d’une nouvelle série de représentations. Cap toujours plus net sur le réalisme.

Tournant autour d’une mère possessive, qui ne vit qu’à travers ses enfants et menace de sombrer dans la prostration à la moindre contrariété, de même que de ses trois filles, mues par un intense désir de voler de leurs propres ailes, Indépendance se présente comme "un drame psychologique", résume la metteure en scène Érika Gagnon. "C’est une fouille archéologique dans les zones sombres, grises ou plus cachées de l’âme humaine, qu’on peut révéler parce qu’on est dans un milieu familial." Cela dit, bien qu’il table sur des relations pour le moins complexes, voire tourmentées, le texte de Lee Blessing comporte également sa part de légèreté. "Il y a beaucoup d’humour, parce que c’est tout de même une famille comme les autres. Ce qui arrive, souvent, c’est qu’elles sont en train de placoter, elles prennent un verre, tout va très bien, puis, soudain, il y en a une qui fait un petit commentaire et, là, ça part en panique, ça explose, illustre-t-elle. C’est un peu en dents de scie, mais c’est l’fun. Ça bascule quand on ne s’y attend pas et ça va vraiment dans les extrêmes."

Outre, peut-être, la présence du violoncelliste Vincent Bélanger qui, au gré de ses déplacements, devient en quelque sorte l’incarnation du père absent, une évocation du passé, la production se veut par ailleurs on ne peut plus réaliste. "Quelqu’un m’a dit: "Après 20 minutes, j’avais l’impression de m’être assis dans le salon de cette famille." Pour moi, c’était un grand défi de faire en sorte que le public, peu à peu, entre dans cet univers et ait le sentiment de se retrouver dans l’intimité de ces femmes, explique-t-elle. C’est à la fois dérangeant et intrigant, alors qu’une part de nous est curieuse de savoir comment elles vont s’en sortir. On a besoin de continuer à les suivre. On est vraiment happé. En tout cas, moi, c’est ce que ça me fait encore aujourd’hui." Pour en arriver là, la metteure en scène, qui se considère davantage comme une directrice d’acteurs, a d’abord privilégié une analyse approfondie. "On a fait beaucoup de travail de lecture, relate-t-elle, en se référant aux répétitions ayant précédé la création du spectacle en février 2006. Alors, je m’attarde à chaque personnage en me demandant: Quel est son moteur? Pourquoi il en arrive là? À la fin de la scène, qu’est-ce qui va avoir changé? Comment ça évolue? Ça crée une limpidité des rapports entre les différents protagonistes, et la trame devient profondément claire." Autant dire que tout était déjà en place pour qu’il ne lui reste plus, cette fois, qu’à peaufiner l’interprétation, à l’épurer de quelques petites touches encore un peu trop théâtrales à son goût. "Les filles [Ansie St-Martin, Marie-Frédérique Auger, Annick Fontaine et Véronique Aubut] avaient déjà atteint un niveau de réalisme hallucinant, mais, là, je n’arrive même plus à faire la différence entre les comédiennes et les personnages. Aussi, c’est troublant pour moi, parce que je n’ai même plus l’impression d’avoir travaillé là-dessus. Ça leur appartient tellement que, des fois, je me sens étrangère à cette atmosphère-là. Je suis vraiment devenue spectatrice de leur virtuosité", conclut-elle.

Jusqu’au 5 mai
À Premier Acte
Voir calendrier Théâtre