Le Tartuffe : L'art de la manigance
Scène

Le Tartuffe : L’art de la manigance

Le Tartuffe de Molière, dernière pièce de la saison au Théâtre du Trident, dépoussière ses habits pour se présenter au public de Québec sous son jour le plus favorable.

L’action se déroule au coeur d’une écurie, lieu de toutes les rencontres pour la famille bourgeoise dont Orgon est la figure centrale, permettant une scénographie à la fois cohérente et polymorphe (Michel Gauthier) alternant jeux, séductions, confidences, confrontations et manigances. La symbolique équestre, vous l’aurez compris, y joue donc un rôle de premier plan: hennissements, ébrouements, galops et coups de cravache parsèment l’ambiance sonore (Yves Dubois), soulignant tantôt le caractère dramatique, tantôt l’effet comique de la mise en scène, en plus de participer au mouvement effréné des personnages et de la pensée. Car la comédie de Molière éveille l’esprit, tenant les sens en alerte, et par conséquent le principal défi du metteur en scène Marc Alain Robitaille, dont c’est la première expérience à ce titre sur un grand plateau, était d’y insuffler ce rythme allègre et lumineux des spectacles comiques sans diluer la gravité des drames qui sont le ressort de l’intrigue. Et le résultat éblouit tant c’est une réussite.

Jusqu’aux costumes (Catherine Higgins), dont la couleur, le faste et l’étoffe reflètent avec justesse la position des personnages, tout concorde à exprimer la duplicité du faux dévot Tartuffe, son imposture envers Orgon, dupe bienfaiteur aveuglé par une vertu au revers perfide, qui non seulement lui accorde la main de sa fille Mariane, mais lui fait également donation de ses biens en héritage. La pièce est truffée d’un vocabulaire recherché et de réparties spirituelles – c’est du Molière, après tout -, dont certaines, très fameuses ("Cachez ce sein que je ne saurais voir"), sont brillamment attaquées par les acteurs. Déclamer sur scène des alexandrins demeure pourtant un exercice périlleux, aussi certains comédiens s’en tirent-ils à merveille là où d’autres nous paraissent un peu moins convaincants. On retiendra la prestance de Jean-Sébastien Ouellette en Tartuffe hypocrite et manipulateur pavant la voie de sa propre déchéance, le haut en couleur Orgon interprété par un Jacques Leblanc en pleine forme et Lorraine Côté dans le rôle de Dorine, suivante pleine de bon sens dotée d’une joyeuse touche d’insolence.

Jusqu’au 12 mai
Au Grand Théâtre de Québec
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