Le Théâtre de la Pire Espèce : Deux, c’est mieux
Le Théâtre de la Pire Espèce voit double. Non seulement il offre un double programme, mais ce dernier est destiné à deux publics: les sourds et les entendants.
La marionnette, le clown ou le théâtre d’objets: la Pire Espèce aime visiter les disciplines alternatives du théâtre. Cette fois, avec son double programme composé d’Ubu sourd la table et M. Ratichon dans… La vie est un match, la compagnie explore surtout la gestuelle. "L’idée tourne autour des moyens de communiquer avec des gestes. La parole n’est pas toujours le seul moyen pour s’exprimer", explique Francis Monty, codirecteur artistique de la compagnie.
Pendant qu’Ubu roi investit les planches du TNM, la Pire Espèce se prépare à présenter une oeuvre qui s’en inspire. Ubu sourd la table – qui tourne en France depuis 2003 – est en fait une adaptation pour malentendants d’Ubu sur la table, créé en 1998 par la compagnie. "Puisque la version régulière d’Ubu est du théâtre d’objets, il y a beaucoup de mouvements avec les mains. C’était donc une pièce parfaite pour en faire une version en langue des signes", précise Monty. La traduction repose notamment sur le Français Laurent Valo, un comédien sourd. Il s’est joint au duo original d’Ubu sur la table: Monty et son acolyte Olivier Ducas. "Le processus d’adaptation était assez laborieux, explique Monty. Olivier et moi, on est habitué de travailler ensemble, ça va vite. On a dû s’ajuster. On a fait appel à une traductrice mais pendant qu’elle indiquait à Laurent de quoi on parlait, on continuait à discuter et on décidait de faire autre chose. C’était comme ça tout le long."
Au-delà de la simple traduction, le personnage sourd est intégré dans la pièce. Il intervient dans la trame du spectacle. Il va même jusqu’à colorer comme bon lui semble les propos qu’il doit traduire. "Les sourds ne voient pas le même spectacle. C’est très plaisant de les voir rigoler sans qu’Olivier et moi ne sachions pourquoi. Même chose pour Laurent, il ne comprend pas toujours pourquoi la salle est agitée et il nous regarde avec un air interrogateur", raconte Monty.
SILENCE!
Si Ubu sourd la table est généreuse en paroles, l’autre pièce du programme double, M. Ratichon dans… La vie est un match, est une oeuvre pratiquement muette. Seul sur scène, Marc Mauduit interprète silencieusement les déboires de M. Ratichon, aux prises avec les exigences de performance de la société actuelle. Les rares mots que l’on entend sont préenregistrés. Certaines des représentations seront d’ailleurs accompagnées de surtitres, question de rendre l’oeuvre pleinement accessible aux malentendants.
Cette pièce a été jouée pour la première fois en 2005 à La Petite Licorne, avant de faire une tournée dans les maisons de la culture. Depuis, elle a été retravaillée. "C’est une pièce sans mots; le texte, c’est la gestuelle de Marc. Les réactions des spectateurs guident en quelque sorte l’écriture. On a revu la ligne dramatique de la pièce, certaines scènes sont disparues, d’autres ont été modifiées." La base de cette création est, une fois de plus, l’exploration de différents modes de narration. "Le spectacle est très clownesque, mais ça va plus loin que le burlesque. On entre dans l’intériorité du personnage, sans même qu’il ne parle!" conclut Monty.
Jusqu’au 26 mai
À la Salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui
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