Les Escaliers du Sacré-Coeur : Le bal des exclus
Avec Les Escaliers du Sacré-Coeur, le jeune comédien Philippe Cyr signe sa première mise en scène.
Il y a presque dix ans qu’on n’a pas monté Copi au Québec. On peut dire, sans exagérer, que les textes de l’auteur argentin mort du sida en 1987 effraient. Sale et grandiose, cru et précieux, comique et tragique, grave et caricatural, son théâtre est purement transgressif. Transgression des genres, des identités, des registres et des rôles, aussi bien sociaux que sexuels. Par conséquent, en signant la mise en scène des Escaliers du Sacré-Coeur, une pièce en vers jamais montée au Québec, Philippe Cyr, cofondateur de la S.H.O.P., fait preuve d’une remarquable audace.
Pour donner chair à la "tragédie gaie" de Copi, Cyr a choisi neuf acteurs, pour la plupart fraîchement émoulus de l’UQAM, malheureusement pas aussi doués les uns que les autres. Cela dit, leur inconstance est généralement compensée par l’immense ferveur qu’ils mettent à défendre leurs personnages de travestis clochards ou de gouines armées. Dans la peau d’Amhed et Lou, les amants tragiques, Éric D’Alo et Marie-Lyse Laberge-Forest se détachent du lot. Dans les habits du vicomte dépravé, Alain Fournier, acteur chevronné, offre certains des meilleurs moments du spectacle. Au coeur d’un univers extraordinairement extravagant, son jeu tout en subtilité fait mouche à tout coup.
Pour notre plus grand bonheur, Philippe Cyr met la salle du Prospero sens dessus dessous. Sa mise en scène, véritable carnaval, dégage sans ambiguïté les nombreuses sources de l’oeuvre. Sur la scène, il y a les bas-fonds de Genet, les ressorts comiques de Molière, la sensualité des mille et une nuits et la statuaire de Cocteau. Bien sûr, la somme est un peu chargée – Copi incite à la surenchère, peut-être ici plus que jamais -, mais le bal est si haut en couleur, si bigarré qu’il faudrait être particulièrement blasé pour refuser d’y entrer.
Jusqu’au 6 mai
Au Théâtre Prospero
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