Sonô : Au-delà des frontières
Sonô, une pièce de théâtre gestuel créée par Vicky Côté, reprend l’affiche pour trois représentations au Café-Théâtre Côté-Cour. Entrevue avec une artiste qui garde les pieds… sur sa terre natale.
Forte d’une solide formation multidisciplinaire acquise au baccalauréat interdisciplinaire en arts, Vicky Côté est à la fois musicienne, photographe, vidéaste, mais surtout jeune femme de théâtre. Même s’il y a des inconvénients à ne pas se spécialiser dans un certain domaine, elle trouve encore beaucoup d’avantages à varier la palette de ses pratiques artistiques. "Je me plais à faire beaucoup de choses. Avoir la chance de dire ce que tu as à dire de différentes façons…"
À la fin de son parcours universitaire, elle a créé une pièce de théâtre corporel, Sonô, qui exploite le filon de la communication, ses problèmes trop fréquents et l’époustouflante magie de ses succès. À la fois drôle et touchante, la pièce, mise en scène par Dario Larouche, interpelle le public, qui se reconnaîtra dans les scènes inspirées du quotidien.
À la source de tout ce travail, un constat: s’il suffit parfois d’un geste, d’un son ou d’une mimique pour se faire comprendre, il arrive aussi que l’ambiguïté s’installe, multipliant les quiproquos. Le personnage incarné par Vicky, seul visage dans cette pièce où la communication se donne en spectacle, sera entouré d’ombres, des comédiens cagoulés qui se feront tantôt personnages, "à la fois tout le monde et personne", tantôt objets, parties prenantes de la scénographie.
Sonô est un spectacle qui a collé à la peau de ses interprètes (Vicky Côté, Sabrina Bélanger, Alexandre Fecteau et Patrick Tremblay), ceux-ci ayant réussi à se réapproprier leurs différents rôles sans trop de difficulté, même plus d’un an après la dernière représentation. "Étant donné que c’est un spectacle qui avait eu une bonne réception, et qu’on avait eu un certain plaisir à le jouer aussi… on s’est dit: pourquoi pas le reprendre?" De plus, comme il s’agissait d’une création – ce qui implique nécessairement l’investissement de beaucoup de temps et d’énergie -, le désir de prolonger l’existence de la pièce était très fort. Car il est souvent décourageant pour un créateur, en particulier au théâtre, de voir mourir prématurément un projet auquel il croit.
Conçu à l’origine pour la salle du Petit Théâtre de l’UQAC, le spectacle a dû être repensé pour la scène plus intime du Côté-Cour. Il aura aussi fallu user de créativité pour réussir à contourner quelques obstacles de taille… dont l’absence d’un piano, objet capital dans la mise en scène originale, qui aura provoqué le plus important casse-tête. Or, rien n’est impossible, les gens de théâtre savent bien qu’ils peuvent avoir recours à la magie du toc pour résoudre ces petits problèmes.
S’intéressant particulièrement au théâtre corporel, Vicky a cherché à mettre en scène une communication qui n’a pas besoin de la parole, qui se contente de sons, de gestes ou de musique. "Il y a très peu de texte, justement pour laisser la place à ce que le corps dit. Parce que c’est le corps qui parle, avant tout. (…) C’est utile pour ça, le théâtre corporel. Pas besoin de dire un mot, ça peut se promener, ça peut aller au-delà de toutes les frontières langagières…"
BURINEE SUR LE COEUR
Pendant que le regard de Vicky se perd dans cet horizon qu’elle ne se lasse pas de scruter, au loin retentit l’écho de la destruction. photo: Jean-François Caron |
Les goélands fouillent le ciel de La Baie en criaillant, le cercle hypnotique de leur vol chatouillant le regard de Vicky qui se perd dans cet horizon qu’elle ne se lasse pas de scruter, tandis qu’au loin retentit l’écho de la destruction. Même avec sa disparition de plus en plus consommée, l’usine est encore présente pour les Baieriverains, une présence aujourd’hui plus sonore que visuelle. Comme si son spectre voulait toujours se faire entendre.
Pour Vicky Côté, être engagé se vit dans les petits gestes, dans ces préoccupations qu’on n’étale pas nécessairement au grand public. Dans le choix de créer dans la région, de vivre avec une passion sans cesse communiquée, de s’installer dans une maison à quelques mètres du parc Mars pour ne jamais oublier d’où elle vient.
Burinée sur le coeur et dans les souvenirs, l’usine Abitibi-Consolidated disparaît un peu plus chaque jour, ce dont l’artiste garde des traces vidéographiques. Sachant qu’il vaut parfois mieux se souvenir pour arriver à guérir une brûlure aussi vive, et puisqu’elle est profondément attachée à son milieu, elle a le projet de produire un documentaire poétique à partir des images de la disparition de la Consol. Un projet qu’il faudra sans doute suivre.
À lire/voir/écouter si vous aimez le théâtre corporel.