Ubu roi : Grand guignol
Avec Ubu roi, le Théâtre du Nouveau Monde referme en grand sa saison 2006-2007.
En mettant de l’ordre dans les péripéties d’Alfred Jarry, une suite de bagarres aussi improbables que colorées, Normand Chouinard organise une fête exaltante. Meneur d’une brigade extraordinaire, le metteur en scène offre un spectacle réglé au quart de tour, une épopée grand-guignolesque qui ravit notre âme d’enfant.
Dès les premières minutes, il émane de la représentation d’irrésistibles effluves brechtiens. Les chants des Palotins vantant les mérites de la machine à décerveler, la musique d’Yves Morin, les cuivres de Guy Bernard et Benoît Paradis, l’accordéon d’Émile Proulx-Cloutier, tout cela évoque si pertinemment les créations de Brecht et Weill. Puis, le superbe décor de Jean Bard, vestiges d’un grandiose parc d’attractions, fait son apparition. Sans même s’en apercevoir, on laisse échapper un "oh!" d’admiration. Sur cette scène pleine de trappes, pas de place pour le naturalisme. Entre la grande roue et les montagnes russes, le théâtre est souverain, omnipotent, aussi redoutable que la marche du Père Ubu. Clownesque, "bédéesque", chaplinesque, truffée d’astucieux clins d’oeil, la mise en scène de Normand Chouinard suscite le rire par la finesse et l’exploit. Les combats, nombreux et pourtant jamais lassants, sont chorégraphiés par Suzanne Lantagne avec une stupéfiante précision. Portant les éblouissants costumes de Suzanne Harel et les expressionnistes maquillages de Jacques-Lee Pelletier, manipulant les formidables accessoires de Normand Blais, les interprètes ne cessent de nous impressionner. Ils sont douze, mais paraissent quarante! Félix Beaulieu-Duchesneau, Normand Carrière, Alexandre Daneau, Sébastien Dodge, Maxim Gaudette, Lise Roy… ils sont tous remarquables. Et que dire de David-Alexandre Després? Une vraie bête de scène.
Rémy Girard est tout à fait à sa place dans les immenses habits du Père Ubu. Son tyran est aussi attachant que repoussant. En Mère Ubu, Marie Tifo, flamboyante à souhait, rencontre un personnage à la hauteur de sa démesure. Bien que le spectacle soit nettement plus jouissif que subversif, qu’il fasse davantage rire que réfléchir sur les dérives du pouvoir, il est rempli de moments mémorables, des scènes qui s’imprimeront à jamais dans l’esprit de ceux et celles qui auront la chance d’y assister.
Jusqu’au 16 mai
Au Théâtre du Nouveau Monde
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