Deborah Dunn : Drôles de drames
Scène

Deborah Dunn : Drôles de drames

Deborah Dunn investit la scène de l’Agora de la danse avec une oeuvre où six êtres torturés font flirter drame et comédie. Excentrique et romantique à souhait.

Installée au Québec depuis bientôt 10 ans, la Vancouvéroise Deborah Dunn n’est pas de celles qui font dans la demi-mesure. Inspirés de l’histoire ou de la littérature, ses personnages campent des archétypes de la nature humaine. Dans Nocturnes, il s’agit de trois couples sortis tout droit du livre d’Emily Brontë Les Hauts de Hurlevent, un grand classique du 19e siècle.

"Je suis une fan de la littérature anglaise de cette période, s’exclame la chorégraphe. Ce sont des personnages du quotidien mais toujours dans des histoires dramatiques qui posent de grandes questions. J’aime les études sociales dans ces romans dont le sujet central est la nature humaine. Les relations hommes-femmes y sont vraiment plus claires qu’aujourd’hui et l’éthique et la morale sont toujours très importantes. Je trouve qu’on a un peu perdu ça."

Dans les pièces très théâtrales de Trial & Eros, compagnie fondée en 1993 par Deborah Dunn, on joue beaucoup avec les règles et il arrive qu’on les transgresse. La sensualité est toujours présente et la sexualité, explorée avec intelligence et finesse. L’humour anglais caractérise également le travail de cette talentueuse artiste qui magnifie ses personnages en les habillant de costumes somptueux qu’elle a confectionnés cette fois avec la complicité de Sarah Tracy et de Josée Gagnon, l’une des interprètes.

"L’humour est ma façon de vivre et de survivre, confie-t-elle. Dans le processus, je ne décide pas vraiment qu’une scène va être comique. J’essaie plutôt de faire des choses profondes et sérieuses, mais c’est trop lourd. Alors à un moment donné, l’humour survient pour décharger la tension. Il arrive aussi que j’aie des idées absurdes, que je les soumette aux interprètes et que ça donne une scène drôle…"

Parcourant les méandres de la psyché humaine et décrivant le caractère souvent trouble de la vie en société, Deborah Dunn excelle dans un comique de situation auquel il est bien difficile de résister. Très théâtrales dans l’attitude des interprètes et dans la composition de tableaux chorégraphiques, les oeuvres de celle qui fut artiste visuelle avant d’opter pour la danse font rarement appel au verbe. Elles racontent quelque chose sans pour autant être narratives. Ainsi, après avoir mis en scène le dysfonctionnement d’une famille dans Païens élégants, voici qu’elle s’intéresse à l’amour romantique dans une pièce qu’elle a voulue plus sombre et qu’elle a associée aux Nocturnes de Chopin. L’une d’elles est jouée en direct par la danseuse Audrée Juteau, deux autres sont retravaillées par le compositeur David Cronkite qui a également écrit une musique originale.

"J’adore danser sur Chopin mais mon travail est trop changeant, les scènes sont trop différentes pour faire toute une pièce sur sa musique, commente Deborah Dunn. Je ne souhaitais pas faire une étude physique de la musique comme Marie Chouinard avec les Préludes. Moi, c’est plus théâtral, plus visuel et je travaille beaucoup avec le temps, que j’étire ou que je précipite. C’est pourquoi la musique est déconstruite." Une pièce aux accents surnaturels qui devrait nous entraîner dans une folie douce et détendre agréablement nos zygomatiques.

Du 2 au 12 mai
Au Studio de l’Agora de la danse
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