Denis Bouchard : Zone de risque
Denis Bouchard, actif comédien et metteur en scène, compose plus que jamais avec le risque dans Bang!, un one man show qui allie performance et technologie.
Bang! n’est rien de moins qu’un projet de fou. D’une durée d’une heure trente sans entracte, cette comédie dramatique repose sur l’unique performance de Denis Bouchard, qui en incarne à lui seul la dizaine de personnages en plus de signer la mise en scène. Écrite quelque part entre le Québec et Las Vegas, cette pièce raconte la descente aux enfers de Charles Trépanier, un concepteur de spectacles ergomane qui, au lendemain d’une soirée bien arrosée, se réveille avec quelques trous de mémoire et… des taches de sang sur sa chemise! Mais, qu’a-t-il bien pu se passer la veille? C’est ce mystère qu’au cours des multiples prouesses technologiques, on tentera d’élucider.
Attrapé un midi, entre deux bouchées, Denis Bouchard signale que plusieurs événements et besoins ont motivé cette singulière entreprise: un défi lancé par des amis de jouer seul sur scène ("Donnez-moi deux ans et je vais le faire!" avait-il rétorqué), l’attrait de la performance, l’intérêt de travailler avec de plus petites équipes. "J’avais le goût de me mettre dans une situation de fou, dans une urgence de voir jusqu’où j’étais capable d’aller comme acteur. C’est aussi né d’un désir de remonter sur scène – ce que je n’avais pas fait depuis Bousille et les Justes, il y a peut-être une dizaine d’années – et de revenir à l’infiniment petit avec mon chum Yves Aucoin, co-concepteur du spectacle et éclairagiste de formation, après avoir monté des gros shows avec Garou ou Gregory Charles; de se retrouver dans un local en haut du Caesars Palace – parce que Yves est stationné à Vegas à cause de Céline [Dion] – et de travailler là-bas en tout petit, en infiniment petit, juste deux petits culs avec des ordinateurs et des caméras, et de voir ce qu’on pouvait faire."
UN FAUX MIROIR
Dans leur repaire, les deux complices ont imaginé des personnages de composition joués en temps réel et d’autres qui seraient virtuels. "Je ne suis pas un auteur. Moi, ce que je sais faire, c’est de me servir de mon corps comme d’une plume et d’improviser", confie celui qui a récemment gagné un quatrième trophée Artis pour son rôle d’Hugo dans le téléroman Annie et ses hommes. "Donc, j’ai improvisé pendant des heures et des heures devant Yves. Il était mon premier public. Après ça, on mettait ça sur ordinateur, on faisait écrire le texte et je me suis retrouvé avec des pages et des pages de dialogues." Des pages et des pages sur les coulisses du show-business… "Le but du jeu n’était pas de faire un show sur le milieu. Alors, ce n’est pas tant sur les coulisses du showbiz que sur la façon dont les spectacles se font. Il n’y a pas de name dropping. Il y a un petit gag à Gregory ?Charles? et un petit clin d’oeil à Claude Poirier, mais sans plus. Les personnages que je joue, ce sont tous des personnages inventés. Ce ne sont pas des extrapolations; ce n’est pas ma vie à moi. J’ai mis ça dans le milieu du showbiz parce c’est le seul milieu que je connais. J’aurais pu mettre ça dans le milieu des assurances, mais je ne connais rien là-dedans", clame-t-il. "C’est la chute de quelqu’un qui est allé très haut, ce qui n’est pas mon cas. C’est quelqu’un qui en vient à travailler tellement qu’il néglige sa propre vie, sa propre famille, et se retrouve un bon matin avec un wake-up call comme quoi ça ne peut pas marcher comme ça."
Malgré un enviable et impressionnant curriculum vitae, soit une vingtaine de rôles à la télévision, l’équivalent au cinéma et au théâtre, et de nombreux contrats de mise en scène ou de direction artistique, Denis Bouchard n’arrive toujours pas à dompter le trac. "Les gens qui vont voir le spectacle vont comprendre aussi. C’est risqué; je ne sais pas ce qu’il va arriver! C’est une heure et demie et je parle avec des ordinateurs. Si ça plante, je suis fait!" Encore aujourd’hui, le sentiment d’insécurité persiste. "Tous les jours, je suis obligé d’être au théâtre à 16h pour faire le show avant que le public arrive parce que c’est trop précis et ça me demande une telle concentration".
LES CRITIQUES
Les critiques de Bang! sont pour la plupart partagées. Si toutes applaudissent la performance de Bouchard, elles questionnent légèrement la trame narrative, dont la conclusion tombe à plat. Lui, que pense-t-il des bémols? "C’est un work in progress. Ce spectacle-là va être dans sa version finale à peu près au mois d’octobre. C’est évident qu’on l’a cassé à Montréal. Idéalement, on aurait aimé ça avoir le million pour aller le faire à Magog pendant trois mois et venir à Montréal après. Le spectacle que les gens vont voir à Gatineau a déjà 10 minutes de plus. Il n’y a plus d’entracte, la fin n’est plus pareille. C’est toujours en train de se modifier et ça va continuer comme ça. […] Les shows du Cirque du Soleil, ça prend deux ans avant d’être fixé, nous autres, ça va prendre trois mois", conclut-il.
Les 19 et 20 mai à 20h
À la salle Odyssée
de la Maison de la culture de Gatineau