Pierre Lecours : Last call
Scène

Pierre Lecours : Last call

Pierre Lecours s’inspire de messages envoyés par les victimes du 11 septembre pour sa nouvelle création. Une invitation à réaliser nos rêves tant qu’il en est encore temps.

"Je t’aime mon amour. Je vous aime mes enfants. Mes dernières pensées sont pour vous." Le mot est daté du 11 septembre, 9h35. Transformé en avion de papier, il a été lancé depuis le 97e étage du World Trade Center. Des messages comme celui-là, il y en a eu beaucoup, griffonnés à la hâte ou transmis fébrilement par la voie des ondes téléphoniques. "J’ai voulu faire une synthèse de ce que les gens ont voulu dire au dernier moment, explique Pierre Lecours. Rendus là, ils s’oubliaient tous au profit de l’amour de l’autre. Ils n’étaient plus avec eux-mêmes mais dans le désir de l’autre."

Émaillée de textes de la dernière heure dont certains sont littéralement déchirants, la nouvelle pièce du Montréalais est saupoudrée de cet humour particulier qui teinte généralement ses oeuvres. Intitulée Dead Like Me, elle est entrecoupée de vidéos réalisées à partir d’images de l’attentat et elle traite principalement des rêves que les victimes ont pu nourrir sans jamais les accomplir. "Le titre est cynique, déclare le chorégraphe qui avoue avoir été extirpé du confort de sa tour d’ivoire en septembre 2001. C’est une expression qui veut dire qu’on est tous pareils et qui nous fait nous interroger sur la valeur qu’on accorde à la vie. C’est une façon de demander: "Qu’est-ce que tu fais de ta peau et de ton temps?""

Sur scène, trois personnages tentent donc de saisir l’ultime chance de réaliser leur rêve. Tous n’y parviendront pas. "C’est souvent assez subtil, prévient Pierre Lecours. Mais c’est parfois aussi très clair, comme quand Lucie Bazzo, qui est éclairagiste, arrive et danse parce que c’est le temps. Je ne pensais pas la faire intervenir autant, mais finalement, elle est tout le temps sur scène." À ses côtés, Sonya Stefan et Marie-Ève Nadeau, complice pour la sixième fois d’une création de celui qui danse aussi avec elle au sein de la compagnie O Vertigo où il a été engagé récemment. Toutes trois ont choisi d’offrir gracieusement leur talent quand elles ont su que le chorégraphe n’avait pas obtenu de subvention pour cette douzième oeuvre. Jolie preuve par l’exemple qu’un rêve peut devenir réalité quand le désir est fort et la confiance, solide.

Cette fois encore, la théâtralité est de mise, et la danse est touffue. "Au début, je créais tellement de mouvement que les filles en avaient mal au coeur, plaisante Pierre Lecours. Même Sonya et Marie-Ève, qui sont réputées pour être des computers, avaient de la difficulté à mémoriser. Depuis, j’ai épuré, mais ça reste une pièce où le mouvement est très important. Il n’y a pas de grands déplacements dans l’espace mais plein de petits détails: un poignet qui rompt en même temps que la jambe sort et que le dos va vers l’avant… J’ai vraiment décortiqué le mouvement et décomposé le corps plus que d’habitude."

Pierre Lecours partage l’affiche avec le Français Matthieu Hocquemiller dans le cadre de la série "Moment’homme". Et si elle est programmée dans la semaine du Hot & Dry Party, elle ne véhicule plus forcément le discours gai des débuts. "À la limite, c’est même plutôt lesbien", commente Pierre Lecours, qui dit traiter de l’amour et des relations amoureuses au-delà des orientations et des identités sexuelles.

Du 17 au 20 mai
À Tangente
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