Carole Nadeau : All dressed
Scène

Carole Nadeau : All dressed

Carole Nadeau, directrice du Pont Bridge, déballe sa nouvelle création, Frank Ketchup, dans le cadre du FTA.

Avec un titre aussi évocateur, on a tout de suite envie d’en savoir plus. Frank Ketchup est un spectacle sur les enjeux de la biotechnologie, dont le scénario et les dialogues ont été écrits par la metteure en scène Carole Nadeau et le dramaturge Normand Chaurette. "La force de Normand, c’est l’écriture dramatique. Ma force à moi, c’est l’écriture scénique. Mais ce show est le résultat d’un dialogue constant", raconte Carole Nadeau.

L’intrigue met en scène quatre personnages, des individus dont les destins se croisent au cours d’un congrès international sur la génétique. En ce qui concerne l’histoire, voilà pratiquement les seules informations que la créatrice accepte de dévoiler. "Je ne veux pas trop en dire parce qu’on essaie de faire quelque chose qui soit proche du thriller. Avec ce sujet-là, je pense que les gens croient que ça va être un show sérieux et documenté, mais ce n’est pas du tout le cas. On s’amuse, c’est très léger", lance-t-elle à l’autre bout du fil.

LE NERF DE LA GUERRE

Préoccupée par la biotechnologie, Carole Nadeau lit et s’informe depuis longtemps sur le sujet. Elle est d’avis que nous vivons présentement un tournant de l’histoire, notamment en ce qui concerne les manipulations génétiques. "Ce sont les compagnies pharmaceutiques qui ont le brevet des gènes. Pour la première fois dans l’histoire, quelque chose d’aussi important est soumis aux lois du marché. Au cours du prochain siècle, les gènes vont devenir le nerf de la guerre. On va pouvoir faire beaucoup de choses, mais est-ce que ce qui est faisable théoriquement sera souhaitable éthiquement?" demande l’artiste. Avec Frank Ketchup, Carole Nadeau pose la question sans y répondre, sans prendre position, dans un simple désir d’éveiller les consciences. "Le sujet est tellement vaste qu’à un moment donné, nos préoccupations dramatiques et artistiques – ainsi que notre volonté de créer un spectacle ludique – ont pris le dessus sur nos préoccupations scientifiques de départ. On aborde cela avec beaucoup de modestie", précise-t-elle.

Le titre, Frank Ketchup, est un clin d’oeil direct au personnage mythique de Frankenstein, à cette volonté de fabriquer du vivant et de jouer dans les origines de la vie. La pièce interroge, entre autres, la place de l’humain et de l’identité des êtres dans un monde où règnent les nouvelles technologies. "Nous nous sommes surtout attardés au bouleversement des techniques de procréation. Aux États-Unis, beaucoup de couples ont recours à la fécondation in vitro, même s’ils sont fertiles. Le spectre de l’eugénisme est là", estime la metteure en scène.

Fidèle à ses habitudes, Nadeau use d’une mixité des langages artistiques et propose un spectacle multidisciplinaire où s’entrecroisent théâtre, télévision et cinéma. Elle décrit sa proposition scénographique comme une mosaïque de cases qui s’ouvrent et se ferment à l’aide d’écrans, un espace où les spectateurs peuvent voir évoluer les comédiens sur trois étages, en plus de contempler des projections vidéo. "Dans ma mise en scène, j’inclus de manière détournée cette zone floue entre le virtuel et le réel, le fabriqué et le naturel. Au niveau de la mixité des langages, je suis allée plus loin que jamais dans ce show-là", conclut-elle.

Du 25 mai au 6 juin
À Espace Libre