Dave St-Pierre : Quand les hommes vivront d’amour
Dave St-Pierre présente le second volet d’une trilogie sur les relations amoureuses. Après la rupture, il s’intéresse à la quête de tendresse avec l’humour grinçant et le ton cru qui ont fait le succès de La Pornographie des âmes.
Rares sont les chorégraphes qui peuvent se targuer d’un succès aussi fulgurant que Dave St-Pierre. En plus de le propulser sur la scène internationale, La Pornographie des âmes lui a attiré les sympathies d’un public si large que L’Actualité et Elle Québec lui ont ouvert leurs pages. Ce danseur qui fut la muse de Daniel Léveillé offre une image sans fard des réalités vécues par une jeunesse sans grands repères, ouvrant une large fenêtre sur la fragilité humaine et posant un regard moqueur sur la dimension pathétique de certains de nos comportements. Et si ses créations suscitent le malaise, elles soulagent de la culpabilité d’être imparfait et parfois, misérable.
"La Pornographie… était une pièce très syncopée avec des solos qui s’enchaînaient, un peu comme un vidéoclip, commente le chorégraphe. J’ai essayé d’aller ailleurs avec Un peu de tendresse, bordel de merde. C’est plus une pièce de groupe avec une ligne directrice et un personnage central. Et comme je ne suis pas sur scène, j’ai pu pousser un peu plus loin les choses." Connu pour sa capacité à tester les limites de ses interprètes mais aussi du public, Dave St-Pierre déshabille à nouveau ses danseurs et comédiens. Mais cette fois, il les envoie dans la salle. Censurés en Allemagne, les hommes nus coiffés de perruques blondes qui devaient venir s’asseoir sur les spectateurs se sont contentés d’évoluer dans les allées du Théâtre du Centre national des Arts, à Ottawa.
"Ils sont tellement over… Je les appelle "mes clowns", explique le natif des Laurentides. Quand tu vas voir un show de clowns, ils peuvent te faire n’importe quoi: t’envoyer de l’eau dans la face ou te pitcher du popcorn… C’est presque plus agressant que ce que font mes blondes." Conscient cependant qu’il peut se faire poursuivre pour agression sexuelle, le chorégraphe hésite encore à garder cette scène, estimant les levées de bouclier hypocrites en regard de l’intérêt qu’il croit universel pour le sexe. Pourtant, il ne pense pas que la nudité soit pour grand-chose dans son succès.
"C’est clair qu’il y a toujours un pourcentage de voyeurs qui viennent pour voir du monde tout nu, mais ils se font prendre au jeu parce que la nudité veut dire quelque chose, affirme Dave St-Pierre. Même si à première vue celle des blondes semble complètement gratuite, elle montre que ces personnages-là ne connaissent pas d’autres façons de demander de l’amour que de se mettre nus. Ils sont tellement en manque qu’ils sont prêts à faire n’importe quoi."
UN REBELLE DANS L’AME
Des gens qui font n’importe quoi, il y en a beaucoup dans cette pièce pour 17 interprètes – et plus pour le FTA. Car la quête d’amour et de tendresse n’est pas aisée dans un monde de consommation où l’on veut tout, tout de suite et où l’on cède facilement à l’attrait de la nouveauté au détriment de l’attachement. Une fois de plus, le chorégraphe n’y va pas par quatre chemins pour décrire cette réalité: c’est trash et destroy, à l’image de son étiquette de "rebelle et enfant terrible de la danse québécoise".
"C’est peut-être vrai ici mais pas du tout en Europe, déclare-t-il. Quand on regarde Jan Fabre, je suis un enfant de choeur à côté! C’est sûr que je fais des choses que personne ne fait au Québec où tout est très danse… C’est vrai aussi que je suis rebelle dans l’âme, et pas seulement en art, parce qu’il y a trop de choses qui n’ont aucun sens dans la vie." Pourtant, il arrive que le rebelle lâche un peu sa garde et se retrouve en artiste glamour sur le papier glacé d’un magazine. Parfois aussi, les mots dépassent la pensée de cet émotif instinctif qui en vient à se méfier des médias souvent gourmands de révélations-chocs et de détails croustillants. Ceux qui le qualifient de populiste apprécieront sûrement qu’il ait refusé de donner des entrevues à deux journaux à potins, et le public montréalais pourra mesurer la portée de sa signature dans le cadre d’une programmation internationale.
Du 26 au 29 mai
À la salle D.B. Clarke de l’Université Concordia
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