Stefan Kaegi : L'envers du décor
Scène

Stefan Kaegi : L’envers du décor

Stefan Kaegi nous entraîne dans une Suisse dont la beauté gouverne notre regard. Mais au-delà de la carte postale, il y a la vie.

D’origine suisse-allemande, le jeune metteur en scène Stefan Kaegi (on prononce Kagui), que l’on dit "arpenteur du réel", aime explorer le théâtre documentaire avec humour et éclat. Avec Mnemopark, il plonge dans la réalité en employant des décors fascinants et une distribution particulière.

"Ce ne sont pas des comédiens, affirme-t-il, amusé. Une seule d’entre eux, très jeune, Rahel Hubacher, vient du théâtre. Les autres ont entre 67 et 83 ans. Ce sont de véritables spécialistes du modélisme. Ils sont sur scène, ils jouent, mais ils sont surtout là en tant qu’eux-mêmes. Ils ont aussi construit la plupart des modèles réduits qu’on utilise et sont partiellement responsables de la scénographie." Ces gens du troisième âge ont donc apporté des montagnes suisses, des wagons de train, des canons et autres éléments de taille réduite, des babioles appartenant au folklore de chacun.

Ces gens, mémoires vivantes, reconstruisent les parties de la Suisse qu’ils veulent bien nous montrer, des clichés de beauté qui mettent au défi les problèmes réels et contemporains de se pointer le bout du nez. "Je leur ai demandé de construire leur propre maison à échelle réduite, ce qu’ils ont fait, et c’était nouveau pour eux, car normalement ils suivent une forme de réalisme (le mot est d’eux) que je qualifierais d’enjolivé. Donc, ils ne montrent jamais les choses exactement comme elles sont dans la réalité; un peu comme lorsqu’on compose un album de photographies et qu’on choisit les plus chouettes."

Avec Mnemopark, on voyage sur une maquette, sur la surface des choses, tout en sentant, sous les pieds, la profondeur des plaies qui peuvent s’ouvrir à tout moment. Travailler avec ces gens qui, d’une certaine manière, ont fait cette Suisse ne va pas sans risque: "La majorité du temps, ils sont là à faire les modélistes." Cela dit, s’ils ne sont pas des professionnels de la scène, on peut dire qu’ils sont assez bien placés pour se jouer eux-mêmes. "Peut-être qu’aucun comédien n’arriverait à faire mieux, car ils connaissent leurs modèles et la ville qu’ils construisent. Mais ce qui est complexe, entre autres, c’est qu’ils n’avaient pas prévu voyager avec tout ça." Partir en tournée comporte une série d’impératifs auxquels ils ne sont pas habitués, tant sur le plan humain et physique que sur celui de la résistance et de la malléabilité des matériaux.

"Nous avons été surpris du succès de ce spectacle que nous croyions, à la base, ne présenter que quelques fois. Maintenant il faut répéter et comme ils oublient beaucoup, il faut trouver des trucs, pour qu’ils puissent s’aider les uns les autres. Sur certains textes, ils improvisent beaucoup; ce qui est chouette à regarder, mais qui demeure un peu problématique lorsque le spectacle est présenté dans une autre langue, comme ce sera le cas à Montréal." Matière vivante, projections d’archives et dramaturgie signée Andrea Schwieter, Mnemopark, en somme, nous entraîne dans une carte postale habitée, une carte que l’on retourne, parfois, afin de dévoiler une histoire du passé, une réalité au présent.

Du 25 au 28 mai
À la Cinquième salle de la Place des Arts