Israel Galván : Sur les remparts de Séville
Israel Galván nous invite, avec Arena, à descendre dans l’arène où il rénove le flamenco.
Avant même de voir le jour, Israel Galván dansait le flamenco. Né en 1973, d’un couple de bailaores sévillans, également professeurs de flamenco, il grandit dans le tablao de ses parents, un cabaret andalou où il s’initie au genre dès son plus jeune âge. "J’aimais ça parce que je faisais des choses que les autres enfants ne faisaient pas. Mais pour moi, tout ça n’était qu’un jeu", se souvient le chorégraphe en évoquant l’atmosphère des ferias où il allait avec sa soeur, devenue danseuse elle aussi.
À ce moment-là, comme bien des petits garçons espagnols, Israel Galván rêve de devenir footballeur. Mais son père, déterminé à faire de son fils un vrai bailaor, contrecarre ces projets d’avenir. À 18 ans, sa personnalité de danseur commence à être forgée et Galván se décide à faire du flamenco son métier. Trois ans plus tard, en 1994, il se joint à la Compañía Andaluza de Danza. À cette époque, il est loin de se douter qu’il est à la veille de recevoir les trois prix les plus prestigieux de la danse flamenca et qu’il va même en devenir une figure de proue.
"Au début, je voulais danser selon l’enseignement reçu de mes parents et ensuite, je suis entré dans la compagnie de Mario Maya, où j’ai été pour ainsi dire moulé. Ce que je voulais, c’était juste bien faire et que les gens soient contents de moi. Je n’avais pas d’autre intention que de bien danser. Et quand j’ai atteint le niveau que je cherchais, j’ai commencé à faire autre chose."
Fin 1998, Israel Galván présente sa première création à la 10e Biennale de flamenco de Séville. Hommage au danseur Vicente Escudero, l’un des premiers rénovateurs du flamenco, qu’il débarrassa d’un certain maniérisme, ¡Mira! / Los zapatos rojos est conçu en collaboration avec un peintre et une metteure en scène dont les approches sont très contemporaines. La critique est séduite par son audace et sa fraîcheur; c’est le coup d’envoi d’une éblouissante carrière internationale.
INTRÉPIDE HÉRITIER
Les uns le traitent de génie, les autres crient au sacrilège. Israel Galván ne fait pas l’unanimité car il fait exploser les cadres pour développer un langage qui lui est propre. Et s’il évite le zapateado, martèlement classique des pieds, s’il introduit l’immobilité et le silence, et s’il n’hésite pas à utiliser bras, dos et hanches à la manière des femmes, il se réclame pourtant corps et âme de la tradition.
"Je crois que dans chaque spectacle que j’ai fait, j’ai réussi à utiliser différemment le corps tout en restant fidèle à la technique du flamenco du début du siècle dernier et à son style plus radical. Je reste en contact avec les étapes de l’évolution du flamenco depuis Vicente Escudero jusqu’à Mario Maya et Antonio Gades, qui ont plus de discipline. Ensuite, j’utilise librement tous ces langages pour trouver ma propre forme."
Ainsi, en ouverture d’Arena, sa plus récente création, il opte pour le minimalisme en dansant pieds nus. "Cela n’a rien de sacrilège et ça se fait depuis des siècles. Je crois que les gitans qui n’avaient pas de chaussures pour danser s’en fichaient pas mal. Et disons que ce que je fais est plus proche du flamenco de l’époque ancienne que de celle où il est devenu classiciste."
En effet, bien loin du classicisme, le chorégraphe a même été qualifié de cubiste pour la multiplicité et la complexité des combinaisons de figures qu’il exécute. Avec une aisance et une présence fulgurantes, il quadrille l’espace de lignes imaginaires où chaque courbe de mouvement renferme un angle droit. La théâtralisation et l’introduction de projections vidéo sur scène contribuent aussi fortement à la modernisation de cet art déjà éminemment multidisciplinaire.
TORÉADOR
S’attaquant à l’un des sujets de prédilection du flamenco, Israel Galván nous propose six chorégraphies sur le thème de la tauromachie. Étant peu sensible à l’univers des corridas, il a beaucoup lu sur le sujet et s’est même rendu dans quelques arènes pour inspirer sa création. "La culture du taureau est une chose très espagnole, très bestiale et sauvage. D’une certaine façon, ça ressemble à la vie en général."
Le danseur et chorégraphe tenait à donner une vision neutre de la fiesta de toros. "Il y a une partie qui est très philosophique, une autre très sobre où la mort est omniprésente, une autre plus sanguinaire… J’ai essayé de ne pas raconter ce qu’est une corrida, mais plutôt de montrer ce qui se passe à l’intérieur, ce que peuvent penser et ressentir le taureau, le torero et le public." Avec la danse, mais aussi avec le chant et la musique en direct, Arena devrait surprendre les aficionados et susciter la curiosité des néophytes.
Les 5 et 6 juin
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
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