Jean-Guy Legault : Jeux de coulisses
Jean-Guy Legault reprend son Théâtre extrême, un congrès-spectacle où le public a le gros bout du bâton.
En mai 2006, la création de Théâtre extrême a suscité un engouement peu commun. Par la critique aussi bien que le public, la modeste production du Théâtre du Vaisseau d’Or a été accueillie avec un réel enthousiasme. Entre les murs de l’École nationale, Jean-Guy Legault s’inspirait des principes du théâtre forum pour orchestrer une course à la chefferie haute en couleur, un théâtre politique, interactif et festif où le spectateur est le maître de la destinée des candidats et par le fait même des dix comédiens qui les incarnent. Bonne nouvelle, le congrès-spectacle en question reprend ces jours-ci l’affiche.
Jean-Guy Legault a travaillé trois ans à l’écriture et à la mise en scène de ce spectacle. "Le concept, cette forme de théâtre interactif, m’est venu avant le contenu. Ce sont deux choses indépendantes, mais qui devaient concorder. Le déclic s’est produit pendant la course à la chefferie d’André Boisclair. C’est là que j’ai compris que le spectacle serait une analyse du procédé aussi bien que du contenu politique. L’idée, c’était de proposer le contraire du cynisme ambiant envers la politique, d’en faire ni plus ni moins que l’apologie."
DROIT DE VOTE
Jean-Guy Legault ne voit que des avantages à inciter les spectateurs à exercer leur droit de vote entre les murs d’un théâtre. "C’est une manière extraordinaire de faire de l’analyse de public. Certains votent en fonction du spectacle, autrement dit en fonction de la personnalité des acteurs ou des personnages, d’autres ne votent que pour les idées politiques des candidats. La parole est vraiment donnée au spectateur."
Selon le metteur en scène, personne ne devrait se désintéresser complètement de la chose politique. "La politique, ce n’est pas plate, c’est nous qui la rendons plate. On ne peut pas dire que la politique ne nous intéresse pas. Le spectacle permet à ceux qui disent ça de se faire prendre à aimer ça. Le spectacle réhumanise la politique, il démontre qu’il faut l’analyser et non la banaliser."
Jean-Guy Legault endosse pleinement son texte, une partition d’une grande précision qui donne beaucoup de place à l’interprétation des acteurs, mais bien peu à l’improvisation. "Tout est écrit, insiste-t-il. Une multitude de combinaisons sont possibles. Les comédiens doivent s’ajuster au public sans changer un seul mot. Ce n’est pas toujours les mêmes candidats qui gagnent. Chaque fois, c’est différent. Deux d’entre eux n’ont même jamais obtenu la victoire. C’est une expérience sportive, pour les acteurs comme pour les spectateurs. À la fin, les choix sont déchirants, il y a même des spectateurs qui haussent le ton."
Avec Delphine Bienvenu, Marie-Lou Bujold, Vincent Côté, Jean-Marc Dalphond, Nancy Gauthier, Lise Martin, Thomas Perreault, Raphaël Roussel, Mariflore Véronneau et Antoine Vézina, le metteur en scène se fait un malin plaisir d’éclairer les coulisses de la politique. "Un parti, c’est une grande famille dysfonctionnelle. On s’amuse à monter ce que les gens ne voient pas. Si les citoyens voyaient les dessous de la politique, ils voteraient autrement, c’est certain!"
La représentation qui en résulte porte sans contredit la signature de Jean-Guy Legault. "C’est le spectacle qui me représente le plus. Tout ce que j’aime est là: le théâtre bâtard, celui qui ne cache pas les artifices, la convergence des styles et la performance de l’acteur. J’ai envie que les gens soient impressionnés par les comédiens. Je pense que c’est comme ça qu’on gagne le respect du spectateur pour l’art."
LE VAISSEAU D’OR
La distribution de Théâtre extrême est en grande partie composée d’anciens étudiants du Collège Jean-de-Brébeuf. C’est là, en 1993, que Jean-Guy Legault a fondé le Théâtre du Vaisseau d’Or. Avant même d’avoir terminé ses propres études, il transmettait aux acteurs de demain son immense passion du jeu. Depuis quatre ans, Vincent Côté, sorti de l’École nationale en 2004, est le metteur en scène attitré du volet étudiant de la compagnie, en plus d’être le directeur administratif de la branche professionnelle. Avec Théâtre extrême, le collectif a le vent dans les voiles. Ses membres, qui croient aux principes de la troupe, espèrent réaliser trois projets par année: une lecture originale, une création québécoise inédite et une production libre. Leur credo: "Plaisir et liberté d’abord!"
Du 12 au 23 juin et du 31 juillet au 18 août
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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