Le Festival TransAmériques : Corps humains
Scène

Le Festival TransAmériques : Corps humains

Le Festival TransAmériques a souligné la théâtralité intrinsèque à la danse en programmant des oeuvres à dominante multidisciplinaire. Retour critique sur deux semaines exaltantes.

Joie. Plaisir intense de cette émulation propre aux festivals où une communauté devient soudain famille et où les langues se délient plus qu’à l’accoutumée pour confronter les opinions. Éveil de l’esprit stimulé par les oeuvres qui se suivent au fil des jours et rendent plus aigu notre questionnement. Qu’est-ce que je sens? Quels sont les filtres que je mets en place pour regarder le monde? Quel est le sens de ce qui se joue sur scène et de ma présence dans la salle?

En ouverture, Maguy Marin a osé la répétition à outrance pour dire l’urgence à protéger la vie. Elle a irrité ceux qui n’ont pas vu la danse dans le ressac du quotidien et a plongé ceux qui s’y sont laissé bercer dans un état d’ouverture propre à vibrer de concert plutôt qu’à juger. L’expérience sensorielle du bal d’avant-bras de Brice Leroux a eu aussi un effet hypnotique, mais quelque peu soporifique malgré une esthétique des plus originales.

Très attendu, Dave St-Pierre a remâché les ingrédients du succès de sa pièce précédente: une grosse distribution, une gestuelle tout en sauts et en chutes, de l’irrévérence, du désespoir, un brin de poésie et une bonne dose d’humour. La recette est gagnante, et si l’oeuvre a du punch, elle ne porte cependant pas au point de crier au génie. La création collective de Lia Rodrigues manquait quant à elle de cohésion dans sa forme et de clarté dans ses intentions. Sa série esthétisante de tableaux évoquant la souffrance portait une violence sourde qui a pu laisser le spectateur saturé d’horreur ou induire un réflexe de protection par la dissociation entre corps et esprit.

L’aventure engagée par Isabelle Van Grimde avec des femmes de théâtre et autres artistes a rappelé combien la mise en scène peut agir comme un révélateur pour la danse. Le dialogue sensible de Marie Brassard avec cet art du mouvement a ému, et l’impressionnante scénographie a fait rêver à un avenir où nos artistes auraient les moyens financiers de leurs ambitions. Pour sa part, Sarah Chase a conquis son public en plus d’offrir à 15 personnes l’occasion de remonter aux sources de son inspiration en faisant ressurgir leur histoire à travers la sienne à l’occasion de rencontres individuelles.

La transparence des corps chez Daniel Léveillé s’est habillée de pointes d’humour tout en perpétuant l’austérité des pièces antérieures. L’atmosphère se détend, et l’on sent le coeur battre d’une humanité un peu moins archaïque. Et si, à l’heure d’imprimer, la "galvanisation" annoncée avec Arena n’avait pas encore eu lieu, nous savions déjà que les performances aux airs d’avant-gardisme suranné d’Antonija Livingstone et Heather Kravas avaient constitué la part d’étrangeté du festival.