Christopher Hall : Penser square
Animateur d’un gala entièrement anglophone lors du Grand Rire, Christopher Hall commente l’apport de quelques fortes pointures de l’humour en anglais et expose les mécanismes de la provocation.
Au terme d’un entretien d’à peine 20 minutes, ils y seront tous passés. Des Monty Python à Benny Hill, de Lenny Bruce à Andrew Dice Clay, de Jerry Seinfeld à Rick Mercer, le panthéon des humoristes anglo-saxons est décliné par Christopher Hall, qui animera un gala-ovni dans la programmation du Grand Rire, show entièrement anglophone auquel participeront aussi les Mike Ward, François Massicotte et P.A. Méthot.
Un prétexte idéal pour constater l’incontestable influence de l’humour britannique et américain – et, en de très rares occasions, canadien-anglais – sur nos humoristes, mais aussi pour en radiographier les racines, et constater du coup l’apport social du genre.
Cela, même si, "avant tout, il s’agit de faire rire, et après, si on peut passer un message, c’est génial, tant mieux", soutient Hall, qui occupe chaque samedi le siège de guignol de service dans l’émission d’information de Michel Lacombe (Ouvert le samedi) à la radio de la SRC.
Aujourd’hui une florissante business, souvent prévisible et consensuel, l’humour sert parfois aussi de véhicule aux changements sociaux. Une voix de la contreculture qui, par le rire, l’absurde et l’imagination débridée, a souvent contribué à l’émancipation des peuples.
Chez nous, on pense immédiatement aux Cyniques, à Yvon Deschamps. Mais chez les anglos, les exemples du genre sont aussi nombreux.
Soupape d’une société engoncée, pour ne pas dire étouffée par la rigueur de la bienséance, l’humour anglo-saxon s’est avant tout appliqué à faire contrepoids à cette dictature du paraître. "C’est exactement cela, abonde Hall. D’un côté, tu regardes cette Angleterre victorienne, la royauté, ce côté hyper poli, puis de l’autre, il y a un truc comme les Monty Python, complètement tordu, et tu t’aperçois qu’il y a cette espèce de courant alternatif qui existe aussi. Je pense aussi à Benny Hill, qui montrait toujours des tétons, pour choquer… D’ailleurs, je pense que c’est surtout pour cela que je regardais ça quand j’étais jeune… Et puis parce c’était complètement fou."
Le nom de Hill fait instantanément bifurquer la conversation vers la vulgarité, souvent reprochée à l’humour, peu importe son origine. "À un certain moment, croit Hall, la rectitude politique est allée trop loin. On ne pouvait plus dire les choses telles qu’elles étaient. Alors, oui, peut-être qu’il fallait être vulgaire pour faire réagir les gens. La vulgarité pour la vulgarité, ça a été fait, entre autres par Andrew Dice Clay, il le faisait bien, mais… what’s the fucking point?" Quand Mike Ward – réputé pour ses propos crus – fait son numéro sur l’homophobie, il dit le mot fif, mais c’est pour réveiller le monde. Un peu comme un des plus grands du stand-up américain, Lenny Bruce, qui commençait un numéro en disant: "Are there any niggers in the house?" Une entreprise risquée, vulgaire jusqu’à la frontière de l’indécence, mais qui allait au bout du compte démonter les rouages tordus du racisme et exposer au public la puissance conférée aux mots lorsqu’ils deviennent tabous.
Une posture explosive que Hall adopte parfois lui aussi. On pense à sa déclaration incendiaire quand, flabbergasté par l’élection de nombreux députés conservateurs aux dernières élections fédérales, il lancera sur les ondes de la SRC: "Est-ce qu’on est moron parce qu’on vit à Québec ou est-ce qu’on vit à Québec parce qu’on est moron?"
"C’était clairement provocateur. Je ne pense évidemment pas que tous les gens de Québec sont des morons, affirme Hall, mais de temps en temps, je crois qu’il faut provoquer. Là, c’est évident que Harper cruise Québec, qu’il dit tout ce que vous voulez entendre, comme un ti-gars dans la cour d’école qui dirait n’importe quoi à la fille pour "entrer dans ses culottes". Faut juste s’en rendre compte. Je voulais provoquer, ça a fonctionné."