Le Faux Coffre : Le Jeu des grands
Scène

Le Faux Coffre : Le Jeu des grands

Le Faux Coffre présente la dernière production clownesque des cinq personnages les plus sombres de la scène culturelle saguenéenne. Shakespeare retient son souffle en attendant la première…

Les réactions sont toujours vives devant le travail des clowns noirs, qui jamais ne laisse indifférent. Et il est toujours un peu hasardeux de s’aventurer à faire une entrevue avec les comédiens du Faux Coffre, car si leurs personnages ne sont jamais très loin – Pascal Rioux admet volontiers qu’ils font partie d’eux-mêmes -, la clique fortement soudée joue le jeu à son extrême. Ainsi, impossible de soutirer quoi que ce soit de substantiel à propos du spectacle puisque, semble-t-il, ce sont les clowns qui l’ont créé… Les artisans du Faux Coffre s’amusent sans répit dans cet état d’équilibre précaire, ce dédoublement de personnalité plus qu’assumé.

En fait, la vie de clown est devenue une deuxième nature pour Patrice Leblanc, Éric Laprise, Martin Giguère, Pierre Tremblay et Pascal Rioux. Rares sont les comédiens qui peuvent se vanter d’avoir élaboré autant leur personnage. Après trois productions dans la peau de ces êtres rigolards créés de toutes pièces, sans parler des très nombreuses séances d’improvisation publiques qui les ont fait évoluer dans les événements les plus diversifiés, pas étonnant que le maquillage des clowns leur colle à la peau. "Ce n’est plus une difficulté de mettre nos costumes et d’aller n’importe où", explique Rioux. "Et les clowns noirs vivent autre part que sur scène", renchérit Leblanc.

Le Roméo et Juliette de William Shakespeare, ce n’est pas qu’une autre version parmi d’autres d’un grand texte classique. C’est une mise en scène unique qui sera présentée par les cinq clowns noirs délurés dont la réputation n’est plus à faire – Trac, Diogène, Piédestal, Grossomodo et Contrecoeur. "L’affiche le dit: c’est une histoire d’amour DES CLOWNS NOIRS", insiste Leblanc. Amour, mort et vengeance, à la sauce noire, au goût sans doute très épicé, ce à quoi les clowns nous ont préparés avec leurs précédentes productions.

Pour le Faux Coffre, en particulier pour Leblanc dont c’est la marotte, il est primordial pour le théâtre d’avoir une portée sociale. Pas tant par le discours – même si les clowns noirs n’ont jamais mâché leurs mots – que par l’action. Ainsi, les denrées non périssables recueillies lors de la production En attendant l’dégât d’eau (pièce qui sera à nouveau présentée à la salle Lionel-Villeneuve de Roberval en novembre prochain) ont été acheminées à la Société Saint-Vincent-de-Paul. Cette année, la compagnie a plutôt choisi de s’associer au Service de travail de rue de Chicoutimi. "C’est ça qui est drôle: un organisme sans but lucratif qui s’associe avec des organismes autant dans le trouble qu’eux autres!" lance Rioux sans détour.

Au-delà de l’argent qui sera recueilli (les clowns espèrent que les spectateurs auront de la monnaie, semble-t-il…), et dans l’optique d’ouvrir le théâtre à un public différent, des billets gratuits sont aussi offerts à la clientèle du Service de travail de rue. Leblanc ne se fait pas prier pour établir les grandes lignes de la mission de la compagnie: "L’un des objectifs qui est en train de se préciser avec le Faux Coffre, c’est de rendre le théâtre plus accessible. On défend la culture, mais en plus, on veut faire connaître le théâtre…"

Avec le temps, ce n’est un secret pour personne, les clowns à l’allure délabrée – et au ton frisant parfois la paranoïa – se sont taillé sur mesure une image de défenseurs de la culture… Au point où ils sont devenus les représentants par excellence de ce combat à finir[JL1] contre la mythique brigade anti-culture. Et cet état de fait n’est pas près de changer. "Les clowns, dans leur discours, se radicalisent de plus en plus pour que la culture soit subventionnée, précise Leblanc. C’est comme si leur désir de faire du théâtre à tout prix était encore plus grand et plus risqué. Plus ils en font, plus ils se font voir… Et plus la brigade anti-culture cherche à les arrêter!"

AU-DELA DU CIRQUE

Malgré la grande place laissée aux clowns noirs par le théâtre du Faux Coffre, la compagnie sera bientôt amenée à présenter des pièces qui ne mettront pas automatiquement en scène ses personnages fétiches. Sans renier complètement ces derniers, les comédiens semblent sentir de plus en plus le désir de se débarrasser, au moins à l’occasion, du filtre circassien auquel ils se sont jusque-là astreints. "Il faut faire notre théâtre à nous, pas seulement celui des clowns!" lance Tremblay en rigolant.

Cette tournure imprévue ne signifie pas pour autant que les cinq personnages soient voués à une fatale disparition. La scène ne leur sera pas totalement fermée, et d’autres projets pourraient les exposer plus que jamais.

En fait, rien ne semble impossible pour cette poignée d’idéalistes qui ont l’habitude de passer de la parole aux actes. Multiplication du nombre de productions annuelles, tournées nationales… On veut même soumettre un projet d’émission de télé. L’intérêt qu’ils se sont découvert pour ce médium aura été suscité par leur participation au film improvisé du festival Regard sur le court métrage au Saguenay en 2006, et par l’expérience de leur apparition à Méchant Contraste! Les clowns noirs pourraient donc bientôt jouer… dans la cour des grands.

Du 16 août au 2 septembre
À la salle Murdock
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En attendant l’dégât d’eau