Écume : Nouvelle pousse
La pièce Écume est le premier-né du tout aussi rejeton Théâtre de la Cabane Bleue. Entretien avec la génitrice de ces grouillants bébés, Anne-Marie White.
Décrochant le combiné depuis North Lancaster, Ontario, où elle a élu domicile, Anne-Marie White a la voix radieuse. C’est qu’elle est au coeur d’une période intense d’incubation multiple à couver ses bébés remuants qui s’apprêtent à quitter le nid. Sa participation au Festival Zones Théâtrales correspond ainsi à la révélation d’une nouvelle compagnie théâtrale franco-ontarienne, le Théâtre de la Cabane Bleue, ainsi que de son premier fruit, écrit et mis en scène par sa directrice, Anne-Marie White.
Écume prend racine dans le ventre d’une maman. Morgane (Anie Richer) attend une fille et n’a qu’une idée en tête: faire 25 heures de train en direction de son village natal maritime afin d’annoncer la nouvelle à sa mère (Ginette Chevalier)- même si cette dernière s’y trouve six pieds sous terre! Ce qui n’est pas sans inquiéter le futur papa, Émile (François Bernier). Dans sa quête, Morgane pourra toutefois compter sur Momo (Marc-André Charrette), le croque-mort du village qui s’évertuera à faire revivre la parole maternelle, révélant ainsi sa réelle identité.
"J’ai longtemps pensé que c’était une histoire sur le jeu des vérités et des mensonges, mais récemment, il m’est apparu que ce n’est pas tant le drame d’apprendre le mensonge que de simplement assumer la nécessité de rêver, de s’inventer notre propre réalité – même si la mère de Morgane pousse cela à l’extrême. Chaque matin, on décide de croire, d’adhérer à quelque chose", relate-t-elle.
Immanquablement personnelle, cette première pièce se situe au bord de la mer, auprès de laquelle l’auteure a grandi pendant 18 ans, entretenant une réelle "relation avec l’eau salée". D’autre part, le personnage du croque-mort ne serait pas étranger au fait que son père vendait des pierres tombales, la fréquentation des salons funéraires étant monnaie courante chez les White. Sinon, ce thème de la procréation est on ne peut plus d’actualité pour celle qui donnait vie à son premier enfant lors de l’écriture d’Écume et qui accouchait du deuxième lors des répétitions, allaitant son poupon entre deux scènes. "On dit qu’une première pièce est souvent identitaire pour son auteur. Je pense que je suis là-dedans. Jeune, dans mes moments de solitude, je me réfugiais souvent auprès de la mer. C’est probablement là qu’est né le début de ma fiction."
Écume est aussi un exercice formel puisqu’une fois le texte terminé, la metteure en scène s’est appliquée à créer une chorégraphie qui ne raconte l’histoire qu’en mouvements. Elle s’est ensuite inspirée d’improvisations des comédiens pour forger un vocabulaire gestuel. Avec l’aide de la chorégraphe Catherine Tardif, elle s’efforce maintenant de faire alterner le mouvement et la parole. "Faire intervenir une personne d’une autre discipline a pour effet de décloisonner, ça ouvre des portes! La danse a cette facilité de prendre des choses simples et de les faire parler d’elles-mêmes; un seul geste qui raconte mille et une choses. Au théâtre, on a tendance à vouloir tout expliquer, alors qu’en danse, c’est plus instinctif, libérateur", complète celle qui assure présentement ce travail de "montage", à la manière d’un réalisateur de film.
LA CABANE BLEUE
C’est pour répondre aux besoins d’Écume qu’Anne-Marie White a fondé le Théâtre de la Cabane Bleue, voulant en faire un théâtre de création mobile, qui s’adapte à tout projet. "Le processus de création auquel j’aspirais ne cadrant dans aucune compagnie existante que je connaisse, j’ai dû fonder mon propre moteur." C’est ainsi qu’elle a aménagé une "cabane" sur son terrain en salle de répétition, en plus de rendre disponible son studio d’enregistrement. "Ma compositrice [Louise Beaudoin] arrive demain avec sa tente-roulotte. Elle s’installe entre les deux pommiers quelques jours pour me pondre une trame sonore!", s’égaye-t-elle. "Pour faire aboutir ce projet, j’avais besoin que mon équipe vienne m’entourer dans ma vie, se recueillir avec moi, en campagne!" Des laboratoires de trois ou quatre jours avaient raison de longues répétitions qui se soldaient autour de la table. "Ça créait des bulles de travail intensives", conclut Anne-Marie White, qui est convaincue que chacun des moments de ce "cocooning" sera imprégné à même la membrane du spectacle.
Les 8 et 9 septembre à 20h
À la Cour des Arts
Dans le cadre du Festival Zones Théâtrales