Benoît Lachambre : Univers parallèle
Scène

Benoît Lachambre : Univers parallèle

Benoît Lachambre présente Lugares comunes, une oeuvre minimaliste et sensorielle où la science-fiction et l’absurde se rencontrent pour élargir notre vision du monde.

La dernière oeuvre qu’on a vue de lui à Montréal est ce fabuleux solo où Louise Lecavalier, entièrement dissimulée sous une couche de vêtements trop grands, démontre l’extraordinaire pouvoir énergétique et magnétique du corps au-delà de sa forme et de son esthétique. De la rencontre avec Benoît Lachambre, elle avait alors souligné la force de l’expérience vécue dans la quête du mouvement au plus profond du corps. C’est d’ailleurs toujours dans la puissance du rayonnement des artistes sur scène, qu’ils soient en mouvement ou dans l’immobilité la plus totale, que réside l’intensité des oeuvres de celui qu’on qualifie de chef de file de la création contemporaine européenne. Il faut dire qu’au fil des ans, il a développé une technique pédagogique basée sur l’éveil des sens. Depuis 1991, le monde afflue dans ses ateliers pour y être initié et il l’intègre pour la première fois dans une création avec Lugares comunes.

"Il y a énormément de travail de respiration, d’alignement du corps et de dispersion du poids à travers le corps, commente le Québécois qui profite depuis des années des facilités offertes aux artistes en Europe pour développer son art. On travaille sur l’ouverture des articulations, sur la mobilité, sur les chakras, les terminaisons nerveuses, les espaces de résonnances dans le corps, les cheminements des réseaux énergétiques… C’est une méthode un peu reliée au Qi Gong, qui est le résultat de divers types d’influences et qui évolue beaucoup." La circulation des fluides corporels, les perceptions visuelles et cutanées, ainsi que les influences de l’imaginaire et de l’environnement sont des notions également importantes dans la recherche de celui qui considère le corps comme un vecteur de dialogue entre le dedans et le dehors.

"Dans mes ateliers, j’ai vu des formes d’extase très douces, des sortes d’éveil, des sensibilités à fleur de peau, des yeux qui brillent…, raconte le chorégraphe. J’ai vu tellement de réactions et de réponses très belles que je me suis dit que ça valait le coup d’intégrer la méthode à ma création artistique. On l’a fait de façon loufoque, en imaginant qu’on était une société secrète futuriste qui se réappropriait un espace théâtral et qui communiquait à travers l’espace-temps en utilisant des images. Vu que c’est un travail d’éveil à la sensation, on est dans un état altéré qui change notre notion de l’espace et du temps."

ZONE PARTAGEE

Dans Lugares communes, à traduire par lieux communs au sens d’espaces que l’on partage, les 14 créateurs-interprètes sont en improvisation quasi constante pour effectuer des structures de mouvements très établies. Fonctionnant à la manière d’un banc de poissons, ils se mettent en état de perception maximale pour sonder les moindres soubresauts de l’environnement et pour s’y adapter. Et si la disposition de la scène est frontale, le public fait partie intégrante de l’expérience. "La musique de Laurent Maslé est intégrée dans l’espace complet et l’éclairage de Jean Jauvin travaille aussi sur un mouvement de lumière qui englobe le public, explique Benoît Lachambre. Du point de vue du mouvement physique, on s’adresse souvent au public de façon ondulatoire dans un dialogue avec ce qu’on perçoit à travers, notamment, le regard des spectateurs. La respiration est à la base du mouvement et on procède à un transfert d’images et de sensations. C’est une sorte de Babel inversée qui ne finit pas en guerre mais en malléabilité de communication."

Difficile de mettre des mots sur l’aventure extra-sensorielle à laquelle nous invite le directeur artistique de la compagnie Par B.L.eux sans avoir l’air un tantinet ésotérique. Pourtant, la danse se déploie souvent dans une dimension énergétique où le contact n’a pas besoin de toucher pour être sensible et où le mouvement est le résultat d’une intention plus que d’une volonté. "Le contact se fait à travers l’espace, l’énergie est dirigée à travers le corps, déclare celui qui nous réserve un duo avec Louise Lecavalier pour 2009 et qui prépare actuellement une pièce que l’on verra en primeur au prochain FTA. Ça fait un peu new age, mais c’est une expérience très tactile. En fait, nos perceptions de la réalité sont fixées par des normes qui sont remises en question quand on travaille ce type de mouvements-là. Quand on ouvre les sens, les normes commencent à devenir moins rationnelles." C’est donc avec les sens plutôt qu’avec la tête qu’il s’agit d’appréhender les séquences surréalistes de cette pièce drôle et douce qui emprunte aux ballets aquatiques d’Esther Williams, aux choristes de La Petite Boutique des horreurs ou aux voix de South Park pour parler d’utopie et d’univers parallèles sans raconter d’histoire.

Du 13 au 15 septembre
À l’Usine C

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