Hippocampe : Rêver mieux
Scène

Hippocampe : Rêver mieux

Hippocampe, un rêve éveillé de Pascal Brullemans et Éric Jean qui nous tient en haleine.

C’est l’histoire d’un lieu marqué par l’âme des gens qui y ont vécu. Mais le public n’assiste pas à Hippocampe pour suivre un récit. On s’abandonne plutôt devant cette chevauchée onirique dans laquelle rêves, réalité et souvenirs suscitent les impressions et sensations fantasmagoriques qui nous envahissent. On saute constamment d’une époque à l’autre – en équilibre sur le fil du temps – tel un funambule qui se laisse bercer par l’air ambiant. Certes, il est question de mémoire et de souvenirs. De là découle le titre de la pièce. En plus du poisson, le mot hippocampe désigne une partie du cerveau jouant un rôle primordial dans le processus de mémorisation.

Construite selon la méthode fétiche d’Éric Jean, c’est-à-dire à l’aide de plusieurs sessions d’improvisations dirigées, Hippocampe a été présentée pour la première fois il y a cinq ans, entre les murs du Quat’Sous. Les répétitions s’étaient déroulées sur la scène de la vieille synagogue, la scénographie de Magalie Amyot étant le point de départ de l’oeuvre. Le texte de Pascal Brullemans et les personnages avaient par la suite vu le jour. Pour cette reprise qui ouvre la saison itinérante du Quat’Sous, les créateurs ont déplacé des scènes, changé des dialogues et peaufiné le travail, mais la distribution demeure la même. La liberté et la spontanéité qui caractérisent le travail de Jean ajoutent une grande beauté poétique à sa mise en scène.

L’action se déroule dans un sous-sol, mais on peut apercevoir – par les fenêtres arrière – des jambes qui marchent dans la rue, des talons hauts qui dansent et s’envolent dans une grâce absolue. Les personnages se fondent aux murs, leurs corps paraissent aussi souples que de la soie. Les filets de lumière d’Étienne Boucher flirtent avec des bouquets de fumée et la conception sonore de Jean-François Pedno nourrit le mystère. Les influences de Lynch sont évidentes, mais le résultat final demeure tout de même plus humoristique que les films du réalisateur. Dominic Anctil dose bien humour et panique dans le rôle de Carl, un jeune rationnel dépassé par les événements. Muriel Dutil interprète une Suzanne amnésique et narcoleptique très attachante et Dominique Quesnel suscite plusieurs éclats de rire dans la peau d’une prostituée anglophone. Le jeu hypnotique de Sacha Samar, qui incarne un fantôme empoussiéré, fascine. Et au-dessus plane la mélancolie de Cohen, sentiment qui se mêle parfaitement aux souvenirs déçus des protagonistes.

Jusqu’au 22 septembre
Au Théâtre Prospero
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