Moi chien créole : Chienne de vie
Moi chien créole, un portrait social et poétique de la société antillaise parfois ardu et déconcertant malgré la grande beauté du texte.
Première coproduction internationale du Théâtre du Grand Jour et première pièce du travailleur social martiniquais Bernard Lagier, Moi chien créole s’arrête à Montréal après sa création à Fort-de-France en mars dernier et sa visite à Toulouse, Paris et la Guadeloupe.
Erwin Weche entre dans la peau d’un chien errant qui aime observer le spectacle de l’humanité et s’abreuver des propos de Titurpice et de Lacolas, deux pauvres bougres qui, une fois le soleil couché, expriment leurs peines et mécontentements existentiels aux âmes nocturnes et esseulées. Lapant ardemment l’alcool qui grise ses acolytes humains, le chien créole pénètre leurs pensées et nous entraîne dans un monde de réflexions philosophiques sur la vie, l’amour, les abus de pouvoir ou encore l’hypocrisie des élus politiques et des hommes en général. Dans ce monologue à plusieurs voix, le chien devient métaphore des marginaux. Lagier déballe ici une prise de parole où s’entremêlent les genres et les styles, allant de l’humour au drame, en passant par les dialogues quotidiens et le récit poétique. Il lance un appel ardent à la conscience sociale et à la responsabilité humaine et citoyenne, sans jamais verser dans une tendance moralisatrice.
Un texte très dense et empreint de liberté, mais qui déboule à une vitesse grand V et dont la beauté et la portée métaphorique nous échappent parfois à cause d’une absence de ponctuation ou d’un manque de pauses. Les nombreux passages en créole confèrent à l’ensemble une fascinante sonorité, bien qu’ils nuisent à l’assimilation de toutes les informations qui inondent notre cerveau. Ainsi, quelques envolées lyriques tombent à plat. Non pas que la performance d’Erwin Weche laisse à désirer. Au contraire, il possède parfaitement bien son texte dans les deux langues et livre son monologue avec aisance et vérité. Sylvain Bélanger a d’ailleurs opté pour une mise en scène sobre et dépouillée, axée sur le jeu du comédien qui évolue dans un environnement sonore riche et vivant de Larsen Lupin. Il faut donc aller voir Moi chien créole pour découvrir cet hymne touchant à la liberté, pénétrer la réalité d’un peuple, sentir le rhum qui grise les personnages et rallier le théâtre aux pouvoirs des citoyens.
Jusqu’au 15 septembre
À Espace Libre
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