Je suis d’un would be pays : Voyage intérieur
Avec Je suis d’un would be pays, un monologue ciselé et senti, François Godin offre à la dramaturgie québécoise un sérieux regain de nationalisme.
Ce n’est pas d’hier que la question identitaire travaille l’oeuvre dramatique de François Godin. Déjà, au coeur de Louisiane Nord, une pièce que Claude Poissant créait en 2004 dans le giron du Théâtre PàP, les grands axes de la culture québécoise s’entrelaçaient. Oscillant sans cesse entre la France et l’Amérique, l’écriture de Godin est à la fois lyrique et quotidienne. C’est encore plus vrai avec Je suis d’un would be pays, le monologue que défend ces jours-ci Serge Dupire entre les murs du Théâtre d’Aujourd’hui. Pour un acteur qui a quitté le pays qui l’a vu naître pour s’établir en France et unir sa destinée à une Britannique, disons que la matière était toute désignée.
Durant plus d’une heure, un homme qui se fait appeler William, mais aussi Richard et Wilhelm, expose les faits saillants de son existence hors de l’ordinaire. Ne quittant presque jamais les trains, son milieu de vie aussi bien que de travail, l’homme est à cheval entre les nationalités, les orientations sexuelles, les langues et les appartenances culturelles. Il est en partie québécois, en partie canadien, aussi un peu britannique et un peu allemand. Certains diront qu’il est citoyen du monde, d’autres qu’il est apatride, écartelé entre plusieurs continents, sacrifié à l’autel de la mondialisation, du libre-échange ou de la grande Europe. Chose certaine, l’homme est tenaillé par la honte. Les confessions de ce Canadien errant, bercées par le roulement du train, émeuvent, provoquent et dérident. Il faut dire que Gervais Gaudreault a fait tout ce qu’il fallait pour clarifier cette prise de parole de prime abord déroutante. Grâce à une structure pivotante toute simple, un environnement sonore irréprochable et des projections parfaitement dosées, les étapes du trajet sont limpides.
Dans les habits du contrôleur ferroviaire en perte de contrôle, Serge Dupire est plus que convaincant. Maîtrisant parfaitement la délicate et considérable partition, un château de cartes où chaque mot est essentiel, l’acteur glisse avec une facilité déconcertante d’un interlocuteur à l’autre, de l’adolescence à l’âge adulte, de la candeur à la colère. Un peu plus désespéré à chaque seconde, terrorisé à l’idée de ne plus avoir un seul masque derrière lequel cacher son visage, le voyageur immobile nous quitte dans un grand cri de détresse, une charge nationaliste qui devrait en galvaniser certains et en heurter d’autres.
Au Théâtre d’Aujourd’hui
Jusqu’au 29 septembre
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