Lin Hwai-min : Le souffle du dragon
Lin Hwai-min, monument de la danse asiatique et fondateur du Cloud Gate Dance Theatre of Taïwan, présente Wild Cursive, une pièce magique qui porte l’identité culturelle profonde de la Chine.
Pour quiconque a des affinités avec la culture asiatique et sa dimension méditative, les oeuvres du Cloud Gate Dance Theatre sont des bulles de bonheur. Bijoux de perfection technique, elles se caractérisent par l’extraordinaire fluidité du mouvement et l’extrême concentration des danseurs. C’est que, en plus d’être entraînés à la technique du ballet classique et de la danse moderne, ceux-ci pratiquent la méditation, les arts martiaux et le tai chi tao yin, une forme ancienne de Qi Gong.
"Toutes ces méthodes traditionnelles chinoises se fondent sur l’enracinement, commente le chorégraphe Lin Hwai-min. On tire l’énergie du sol. C’est à l’opposé de la philosophie et de l’esthétique du ballet classique occidental qui cherche l’élévation, défie la gravité et se compose de lignes droites. Dans notre système, tout est rond et circulaire." Ainsi, en place de l’axe corporel vertical central à la base des techniques occidentales, le tai chi tao yin divise le corps en deux axes diagonaux qui se croisent et autour desquels le mouvement évolue en spirale. Favorisant l’exploration intime des espaces mystérieux du corps humain, il s’accompagne d’une respiration calme et régulière qui part du Dan Tian, centre énergétique situé au niveau du diaphragme.
C’est de ce centre que diffuse le Qi (qui veut dire énergie et se prononce tchi) qui anime les 19 danseurs de Wild Cursive, troisième volet d’une trilogie sur la calligraphie chinoise. Et c’est ce même Qi qui meut le pinceau du calligraphe, qui se livre à un acte spirituel en oeuvrant à l’unification du corps et de l’esprit. "La calligraphie est similaire dans son esthétique et sa philosophie à l’art du mouvement, assure celui dont l’oeuvre est considérée comme un trésor du patrimoine culturel asiatique. Il y est aussi question de respiration et d’engagement total du corps. C’est aussi une méditation et comme le pinceau est doux, tous ses mouvements sont circulaires."
TRADITIONS ANCESTRALES
Tout le travail de Lin Hwai-min s’ancre dans les traditions ancestrales chinoises. En 2001, il entame une étude des chefs-d’oeuvre de la calligraphie avec Cursive. Les danseurs y transposent en mouvement les traits les plus marqués d’idéogrammes choisis. Reproduisant la dynamique du tracé, ils passent de la lenteur la plus méditative à l’attaque la plus franche du mouvement qui découpe l’espace. Dans Cursive II, créée deux ans plus tard, le chorégraphe s’intéresse aux traces d’encre plus estompées et au vide. "La calligraphie est un jeu d’espace sur le papier de riz, affirme-t-il. Un bon calligraphe n’écrit pas, il compose une image. Et l’espace blanc est aussi important que l’espace occupé par l’encre noire."
En 2005, il s’inspire du Kuang Chao, "la calligraphie sauvage", perle de l’art cursif chinois. "C’est un exercice esthétique où le calligraphe n’écrit plus pour rapporter un sens, mais déforme les caractères et prend la liberté d’exprimer son individualité et son esthétique, commente Lin Hwai-min. Dans la chorégraphie, il n’y a rien à comprendre non plus, c’est de la danse pure. Le mouvement devient désordonné, on pourrait croire que c’est de l’improvisation, alors que c’est minutieusement chorégraphié et répété. Mais l’énergie est sauvage."
Sur scène, de grands pans de papier de riz descendent des cintres reliant symboliquement le ciel et la terre. Au sommet, de l’encre noire y est injectée au goutte-à-goutte, imprégnant lentement le papier où se dessine une écriture abstraite qui reflète le propos de la pièce et marque le caractère unique de la représentation. Un clin d’oeil au fameux Yi King, "livre des transformations" au coeur de la spiritualité chinoise. Et si la symbolique touche plus facilement le public asiatique, l’oeuvre fascine le monde au-delà des frontières.
Du 20 au 22 septembre
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
À voir si vous aimez
La peinture de Jackson Pollock, la compagnie japonaise Sankai Juku, le chorégraphe sino-américain Shen Wei