Martine Beaulne et Louise Laprade : Présumé innocent
Scène

Martine Beaulne et Louise Laprade : Présumé innocent

Martine Beaulne dirige Louise Laprade dans Le Doute, une pièce de l’États-Unien John Patrick Shanley.

La compagnie Jean Duceppe débute sa 35e saison en plongeant son public dans un espace de totale incertitude. Bronx, 1964. L’Amérique vit une période de bouleversements sociaux, politiques et religieux. Soeur Aloysius (Louise Laprade), directrice d’une école primaire, soupçonne le Père Flynn (Gabriel Sabourin) d’entretenir des rapports ambigus avec de jeunes garçons. Animée d’un grand sens de la justice, elle met tout en oeuvre pour établir les preuves qui permettront le renvoi du prêtre. Soeur James (Marie-Ève Bertrand), jeune novice, est prise à partie. Martine Beaulne est à la mise en scène de cette pièce de l’États-Unien John Patrick Shanley intitulée Le Doute: "Dans la préface, l’auteur dit qu’on vit dans une culture du tribunal, où on s’assoit sur nos acquis sans remettre les choses en question. Sa pièce est une parabole, un prétexte pour proposer une réflexion sur la place du doute dans l’existence, souvent perçu comme négatif. Shanley souhaite que le doute devienne un mode de vie, qu’il nous incite à revoir nos convictions, à être ouverts au monde qui nous entoure."

Selon la metteure en scène, le thème du doute prend assise dans la structure dramatique de l’oeuvre. "Comme public, on est toujours en train de se repositionner. On croit que le prête est coupable et tout de suite après on change d’idée. Quand on pense avoir trouvé la vérité, l’auteur nous amène ailleurs." Garder chez le spectateur cette dynamique de constante incertitude s’est révélé un véritable défi pour Louise Laprade: "Je me disais souvent à moi-même: "Si, à tel moment, mon personnage semble trop raisonnable, on sera porté à la croire elle plus que lui. Est-ce le bon moment?" Ça m’a amené à changer des choses." La metteure en scène renchérit: "Moi-même, je me suis fait prendre en donnant des indications. Il y a eu des réajustements. J’ai essayé d’avoir de la distance pour être capable de bien orchestrer les différents niveaux de jeu."

CONFLIT DE GENERATION

Écrite au début des années 2000, la pièce de Shanley est couverte d’une ribambelle de prix. Pour Martine Beaulne et Louise Laprade, il s’agit d’un "véritable suspense". Au coeur de l’oeuvre, ce sont deux générations, deux visions du monde, qui s’affrontent. D’un côté, le Père Flynn, jeune et progressiste, prône une Église accueillante, un contact humain avec ses élèves. À l’opposé, soeur Aloysius privilégie une vision conservatrice de la vie et de l’éducation. Pour la comédienne, qui s’est glissée dans la peau d’une religieuse avec un plaisir évident, soeur Aloysius a des valeurs très profondes d’intégrité et de justice. "C’est ainsi que j’ai abordé mon personnage. Ça a été une joie de retrouver ces robes chargées de souvenirs. J’ai étudié chez les soeurs, et elles m’ont énormément fait avancer. Les religieuses sont aussi des femmes avec leurs recherches intellectuelles et spirituelles, leurs sentiments, leurs failles. J’espère que ça se ressent dans mon personnage."

Même si une traduction francophone de la pièce existait déjà (la pièce a été montée à Paris en 2006 par Roman Polanski), le directeur artistique de la Compagnie Jean Duceppe, Michel Dumont, a tenu à réaliser la sienne. Selon Beaulne, "il a fait des choix de rythme et de syntaxe, tout en restant fidèle à la pensée de l’auteur". Pour sa mise en scène, cette dernière s’est essentiellement inspirée de trois espaces qu’elle a imaginés en lisant la pièce: celui de la spiritualité, celui de la socialité et celui de la réflexion. Aujourd’hui, le spectacle est prêt à rencontrer le public. "On est prêtes, on a hâte", conclut Martine Beaulne, les yeux brillants.

Jusqu’au 20 octobre
Au Théâtre Jean-Duceppe
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