Frank, le garçon boucher : Passé trouble
Scène

Frank, le garçon boucher : Passé trouble

Frank, le garçon boucher nous fait plonger dans les souvenirs de Frank Brady. Entre humour, rire grinçant et effroi, entre jeux et cauchemar.

Sur un plateau dépouillé, qu’occupent deux larges cadres à fonctions multiples, apparaissent les personnages de la pièce, en un rang serré. Serré comme le microcosme du petit village irlandais où a grandi Frank, cible des regards et des commérages. Parmi eux, Frank nous apparaît, en double: l’adulte revit son passé à travers le garçon qu’il était, surnommé P’tit-cochon. Par ces deux voix, il nous raconte son histoire, qui démarre vivement avec les jeux de l’enfance et la rencontre du "frère de sang", Joe. Entre les deux garçons naît une amitié intense, pleine d’imagination, véritable baume pour Frank que troublent déjà mère dépressive, père alcoolique, et marginalisation de sa famille par le village. Mais son parcours prend bientôt des allures de descente aux enfers: spirale d’abandons, de malheurs, de solitude, menant ce personnage rebelle de déséquilibre en délinquances, puis en violences sans retour.

OEuvre de l’Irlandais Patrick McCabe, la pièce propose, malgré ses moments d’humour et d’ironie, une histoire très dure. Michael Delaunoy en offre un traitement distancié, coloré et inventif, préférant toujours la suggestion à la représentation. Sa mise en scène énergique, impeccable de cohérence, traduit avec efficacité et éclat l’approximation du souvenir ou sa fantaisie. Décor, costumes, éléments sonores, mouvements, interprétation plongent dans le passé de Frank, et révèlent sa vision quelque peu transformée de la réalité, tout à la fois par le travail du temps, qui gomme les détails, et celui de la mémoire qui les corrige, à travers, ici, le regard d’un garçon à l’imagination débridée, passionné de western et de bandes dessinées. Ainsi, toute l’esthétique du spectacle devient la preuve de la richesse de l’imaginaire de Frank, de sa puissance protectrice qui, on peut l’imaginer, lui a longtemps servi d’échappatoire pour fuir un monde trop dur, jusqu’à ce que la souffrance se fasse trop pressante et trouve d’autres exutoires, plus dévastateurs.

Les comédiens, tous remarquables, s’intègrent parfaitement dans ce cadre strict, et lui donnent vie. Ils surprennent, émeuvent, impressionnent, tout au service à la fois de l’histoire trouble de ce jeune garçon et de l’esthétique élaborée de la pièce. Spectacle rythmé, cette production belgo-québécoise en impose par sa rigueur, sa précision et sa grande unité.

Jusqu’au 6 octobre
Au Théâtre Périscope
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