Savannah Bay : La Cérémonie
Avec Savannah Bay, Éric Vigner démontre qu’il a bien plus que des affinités avec l’oeuvre de Marguerite Duras.
On peut dire sans se tromper que le Français Éric Vigner a soif des mots de Duras. Outre Savannah Bay, pièce qui a fait entrer l’auteure dans le répertoire de la Comédie-Française, le metteur en scène s’est à ce jour mesuré à La Pluie d’été, La Bête dans la jungle et Hiroshima mon amour. Il y a des années que Ginette Noiseux, directrice artistique du Théâtre Espace Go, voulait entendre les mots – et les silences – de Savannah Bay dans son théâtre. Des années aussi qu’elle rêvait d’accueillir le travail d’un homme de théâtre pour qui elle a énormément d’estime. C’est maintenant chose faite.
Est-ce que ce magnifique Savannah Bay, un objet soigné, hautement esthétique, mais aussi un brin précieux et parfois désincarné, touchera le coeur d’un grand nombre de spectateurs? Avouons-le, c’est peu probable. Comprenons-nous bien: durant l’heure et des poussières que dure la représentation, il n’y a pas vraiment de temps morts. Le déplacement des accessoires, le dévoilement graduel de la scénographie, les subtiles variations d’éclairage… tout cela suffit à capter l’attention et même à susciter l’admiration. Éric Vigner ne nous aurait pas dit qu’il était plasticien de formation que nous l’aurions deviné. Tout est étudié, la texture des matériaux, la brillance des matières, la forme des structures, le positionnement des ombres et des lumières… Chaque élément est ajusté avec soin, suivant les règles de l’équilibre graphique. Seulement, dans un écrin aussi somptueux, un plateau d’une splendeur tout orientale, on se demande bien quel rôle peut jouer la douleur abyssale des deux personnages? Bien sûr, ce qui intéresse Vigner dans cette pièce, c’est bien davantage la question de la transmission entre une femme âgée et une plus jeune. Un parti pris appuyé par la troisième et dernière portion de la représentation, celle où le spectateur comprend que tout ce qui a précédé n’était que fiction, que deux comédiennes se sont livrées, sous ses yeux, à une sorte de rituel de passation des pouvoirs.
Habitées, transformées, complices, Françoise Faucher et Marie-France Lambert se glissent tout naturellement dans la mise en scène que Vigner avait pensée pour les comédiennes françaises Catherine Samie et Catherine Hiegel. Pourtant, malgré toute la rigueur et la conviction des interprètes, on reste fâcheusement étrangers à la douleur tragique des personnages. Heureusement, au sortir de la salle, demeure, indélébile, la magnificence esthétique de la cérémonie.
Au Théâtre Espace Go
Jusqu’au 29 septembre
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L’univers littéraire, théâtral et cinématographique de Duras, le minimalisme oriental, les installations muséales