Un simple soldat : Nous étions guerriers
Un simple soldat de Marcel Dubé, mis en scène par Jacques Rossi, continue de porter la mémoire d’une époque sans pour autant se laisser dépasser. Noces d’or.
Démobilisé avant même d’avoir pu aller au front à la fin de la Seconde Guerre, Joseph Latour (Louis-Olivier Mauffette, intense et énergique) rentre à la maison, pour le bonheur de son père (Raymond Legault) et de sa jeune soeur (Laurie-Ève Gagnon), mais au grand dam de sa belle-mère (Marie-Ginette Guay) et des enfants de cette dernière (Jean-Nicolas Marquis et Annie Charland). En effet, doté d’une arrogance et d’un orgueil démesurés, cette grande gueule plus douée pour la bataille et la fête que pour le travail a le don de déranger, alors qu’ayant raté jusqu’à sa mort au champ d’honneur, notre soldat s’engage, résigné, dans une nouvelle série de frasques qui se soldera par sa mort, en Corée, comme par une manière de suicide assisté.
S’il est ici une réflexion sur la guerre, elle passe d’abord par le conflit qui fait rage au sein de la famille, où s’entre-déchirent des êtres tous plus malheureux les uns que les autres. Cinquante ans après sa création au petit écran, le texte de Dubé n’a rien perdu de sa verve, de sa violence et de son âpreté, traduisant bien tant l’hostilité partagée que les souffrances individuelles qui font l’objet de ce sombre tableau. Quoi qu’il en soit, l’idée qu’a eue Jacques Rossi d’entrecouper le tout d’extraits de Poèmes de sable et de garder certaines chansons de la version de 1967 (interprétés par Mathieu Desjardins et Valérie Laroche), parenthèses suspendant le rythme pour créer une ambiance onirique et rompant avec le réalisme des scènes pour y poser un regard lyrique, permet d’y aller d’un contrepoint mélancolique, tandis qu’il nous transporte efficacement d’une époque et d’un lieu à l’autre, grâce notamment à un astucieux dispositif scénique (Michel Gauthier) et à de discrètes projections (Philippe Lessard-Drolet). Ainsi le spectacle fait-il ressortir ce que la pièce a d’intemporel, son actualité résidant moins dans la présence de nos militaires en Afghanistan que dans des personnages humainement crédibles, dont les points de vue respectifs s’avèrent finement défendus, ainsi que dans une mise en scène bien d’aujourd’hui. Mais aussi, ce qu’elle a de socialement et d’historiquement ancré, et qui passe par le témoignage qu’elle nous livre de cette époque, à travers des attitudes et des façons de penser, comme par l’immersion plus matérielle que nous proposent costumes (Jennifer Tremblay), accessoires (Vano Hotton) et chorégraphies (Geneviève Kérouac) sur fond de musique rétro.
Jusqu’au 6 octobre
Au Théâtre de la Bordée
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Le théâtre de Marcel Dubé