Scène

Sylvie Drapeau et Lise Roy : Les reines du pouvoir

Au Théâtre du Rideau Vert, Sylvie Drapeau et Lise Roy sont au coeur de Marie Stuart, un duel opposant deux femmes plus grandes que nature.

Au XVIe siècle, Marie Stuart, reine d’Écosse et Élizabeth 1re, reine d’Angleterre, se livrent une guerre de pouvoir sans merci, revendiquant toutes deux la couronne d’Angleterre. Au début du XIXe siècle, le romantique Allemand Friedrich von Schiller s’inspire de ce fait historique pour écrire Marie Stuart. Au XXIe siècle, le metteur en scène russe Alexandre Marine, installé à Montréal depuis plus de 10 ans et cofondateur du Théâtre Deuxième Réalité, orchestre cette sanguinaire confrontation dans une traduction de Normand Chaurette. Pour incarner les deux reines, Sylvie Drapeau et Lise Roy.

Dans son oeuvre inspirée des trois derniers jours de la reine d’Écosse, Schiller imagine une rencontre hautement théâtrale entre deux femmes aux destins extraordinaires, animées d’idéologies politiques et religieuses opposées. Pour Lise Roy, qui entre dans la peau d’Élizabeth 1re après s’être mesurée à de grandes figures historiques telles que Camille Claudel, Simone de Beauvoir ou Virginia Woolf, "c’est un véritable thriller". "L’histoire est là, réelle, mais transfigurée par le théâtre." Ayant déjà incarné Lady Macbeth, Bérénice ou Mademoiselle Julie, Sylvie Drapeau n’en est pas elle non plus à son premier rôle mythique. "L’histoire de Marie Stuart est pleine de sang, de sensualité, de désir, de brutalité. Parfois, il m’arrive de prendre conscience que Marie Stuart a existé et ça me remplit de son mystère", affirme celle qui lit actuellement la biographie que Stefan Zweig a consacré à la reine d’Écosse. "La semaine passée, j’ai eu le trac, j’ai senti le poids de l’histoire. Puis, il y a trois jours, je me suis dit qu’il était impossible que je fasse la Marie Stuart de tout le monde. Je la fais à ma manière et j’adore ça!"

C’est Denise Filiatrault, la directrice artistique du Rideau Vert, qui a provoqué un entretien entre Sylvie Drapeau et Alexandre Marine, sentant qu’il y aurait des atomes crochus entre les deux artistes. Leur rencontre a effectivement provoqué des étincelles. C’est ensemble qu’ils ont choisi de monter Marie Stuart. "Au départ, ce qui m’a frappée et attirée, c’est la ferveur du personnage de Marie, sa foi en la vie, lance Drapeau de sa voix calme et pourtant fébrile. Jusqu’à la fin, Marie est une passionnée, une gourmande, une amoureuse. Dans sa vie, elle a souvent oublié d’être reine par amour pour les hommes."

Les deux comédiennes s’entendent pour dire que Marine a axé sa mise en scène sur l’humanité des personnages. "C’est comme s’il avait pris le théâtre dans ce qu’il a de plus pur, dans l’essence de la vie, explique Roy, transportée. Avec lui, les personnages historiques – qui sont parfois des monuments intouchables – deviennent des femmes de chair. La vie se livre à travers les mots, mais passe à travers les corps. Pour moi, le terrain commun de tous les personnages se résume en deux mots: dignité et humanité."

Jusqu’au 20 octobre
Au Théâtre du Rideau Vert
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FAITS HISTORIQUES

Marie Stuart, couronnée reine d’Écosse dès sa naissance et soupçonnée d’avoir comploté pour s’emparer de la couronne d’Angleterre, fut emprisonnée aux abords de Londres, pendant 19 ans, par sa cousine éloignée, la reine d’Angleterre Élizabeth 1re. Derrière les barreaux, Stuart – qui est en droit d’hériter de la couronne d’Angleterre si sa cousine vient à mourir – représente une moindre menace. D’un côté, il y a le camp des catholiques, ceux qui supportent la Reine d’Écosse et qui remettent en question la légitimité de la Reine d’Angleterre. De l’autre, il y a les protestants, ceux qui soutiennent Élizabeth 1re. En février 1587, cette dernière prend finalement la décision d’exécuter Marie Stuart, au bout de plusieurs années de tergiversation. "Tous les conseillers politiques, les ambassadeurs et les chefs de guerre vont essayer d’utiliser ces femmes-là pour servir leurs aspirations religieuses et politiques. C’est un exemple de la manipulation de la religion à des fins politiques. En ce sens, la pièce ne pourrait être plus actuelle", estime la comédienne Lise Roy.