Le Doute : Le vrai du faux
Avec Le Doute, le dramaturge John Patrick Shanley et la metteure en scène Martine Beaulne opposent deux visions du monde.
Dans la société actuelle, où tout rime avec rapidité, efficacité et performance, douter est souvent perçu comme une faiblesse de l’esprit. En abordant le thème de la pédophilie, Le Doute, une pièce de l’États-Unien John Patrick Shanley gagnante d’un prix Pulitzer en 2005, prouve habilement le contraire. Traduite par Michel Dumont, elle pave la voie à d’importantes réflexions, tout en laissant au public le loisir de tirer ses propres conclusions. Martine Beaulne met en scène ce suspense aux allures de parabole.
L’oeuvre dévoile une Amérique en pleine crise sociale et religieuse. En 1964, dans le Bronx, soeur Aloysius (Louise Laprade), directrice d’une école primaire et fervente défenseure d’un enseignement axé sur les valeurs conservatrices, accuse le père Flynn (Gabriel Sabourin) de se livrer à des attouchements sur un jeune élève, le premier et seul Noir de l’établissement. Entre les deux, le coeur de la douce et naïve soeur James (Marie-Ève Bertrand) balance. Sans détenir la moindre preuve des lourdes accusations qu’elle porte, soeur Aloysius s’engage dans une campagne de dénigrement contre le prêtre. On en vient à croire que l’objectivité de cette femme est tout simplement biaisée par le mépris que lui inspirent les valeurs progressistes du père Flynn. Mais la directrice use de fins stratagèmes pour décontenancer le prêtre et semer le doute dans notre esprit. On se questionne sur le dogme religieux, mais aussi sur la difficulté de ne pas se laisser aveugler par ses propres opinions, puisque le doute demande en effet plus de courage que la certitude.
Sabourin joue avec talent cet homme de foi charismatique et étrangement mystérieux. Laprade campe avec conviction une religieuse animée d’un profond sens de la justice, qui se bat dans un univers où le pouvoir réside entre les mains des hommes. On croit malheureusement moins à la dernière phrase – trop soudaine – que la soeur prononce et qui doit servir de punch final. Myriam De Verger est convaincante dans la peau d’une mère (celle de la supposée victime) qui étonne par sa prise de position. Le décor de Richard Lacroix amplifie le climat de suspicion. Les lignes obliques qui habillent la scène donnent une impression de déséquilibre et illustrent le doute qui s’installe et les certitudes qui s’effondrent.
Jusqu’au 20 octobre
Au Théâtre Jean-Duceppe
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