Zab Maboungou : Corps accords
Zab Maboungou poursuit l’exploration du lien entre danse et musique dans un faux solo avec tambours et violoncelle intitulé Décompte.
Depuis qu’elle a créé Compagnie Danse Nyata Nyata en 1986, la Montréalaise d’origine congolaise Zab Maboungou marie danse et musique dans une alternance de créations solo et de pièces de groupe. "Mon processus est inspiré d’un principe musical africain qui se base sur un système de question-réponses, explique la chorégraphe. Mes solos parlent d’une préoccupation et les pièces de groupe servent ensuite à faire avancer le propos. Avec Décompte, j’arrive à un stade où je dois accepter qu’il n’y a pas de différence entre musique et danse parce que les deux sont essentiellement mouvement."
Pour cette Parisienne de naissance élevée au Congo de l’âge de 5 à 17 ans, la musique est synonyme de rythme car celui-ci est conçu dans sa dimension percussive et marqueuse de tempo, dans son caractère fluide et mélodique, et même comme élément de la dynamique du silence. Quant au corps, il est vécu comme une "architecture rythmique" qui, en répondant aux sons et en jouant avec le souffle, permet au spectateur "d’entendre la danse et de voir la musique". Dans ce contexte, il apparaît logique que Maboungou compose ses musiques et que des musiciens l’accompagnent systématiquement sur scène. Cette fois, Jean-Christophe Lizotte et Marc Keyevuh interprètent une partition inspirée du prélude de la Suite pour violoncelle n° 2 de Jean-Sébastien Bach. Un violoncelle, des tambours puissants et un corps en mouvement pour incarner une voix qui n’utilise pas de mots pour porter à chacun un message indicible, universel et personnel à la fois.
"Dans mes pièces, c’est toute la question du geste qui se pose, de sa durée, de sa valeur et de son sens, déclare Maboungou. Pour moi, l’esthétique est reliée à l’éthique parce que les choses ne sont pas belles en dehors d’un sens que nous portons et qui se déploie en nous. C’est pourquoi je pense que notre intelligence et notre sensibilité sont toutes deux articulées dans le geste." Fidèle à sa culture africaine, l’artiste quinquagénaire ne conçoit pas la danse comme un spectacle mais comme un rapport au monde. Elle a d’ailleurs été un précieux point d’ancrage dans sa vie d’exilée politique.
"Je me suis retrouvée dans des lieux que je n’avais pas nécessairement choisis et à un moment donné, la danse m’est apparue plus que jamais nécessaire comme moyen pour vivre. En ça, je retrouve la tradition qui dit que la danse doit servir à être et à vivre, qu’elle n’est pas seulement quelque chose d’esthétique que l’on contemple et qu’elle exige de nous une participation intégrale. Elle est une célébration, un moyen de s’élever, de sortir de soi et de ce que l’on croit être son identité. La dimension contemporaine de mes oeuvres est qu’elles ont à voir avec ma vie et mon vécu. Mais en fait, tradition et modernité sont étroitement imbriquées dans ma vie depuis toujours."
À ce jour, Zab Maboungou est l’auteure d’une vingtaine d’oeuvres dont elle se plaît à dire qu’elles sont des poétiques plutôt que des chorégraphies. On comprend pourquoi. Et si leur grande physicalité est à souligner, elles ont aussi un caractère méditatif qui, pour certains, transformera le spectacle en expérience intime.
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