François Létourneau et Christine Beaulieu : Voyage au bout de la nuit
Scène

François Létourneau et Christine Beaulieu : Voyage au bout de la nuit

François Létourneau voit enfin Texas, une pièce qu’il a écrite en 2001, portée à la scène. À la tête de la compagnie Champ Gauche, Christine Beaulieu incarne le seul personnage féminin de la pièce.

C’est à Trois-Pistoles, à l’été 2006, dans un Caveau-théâtre alors sous la gouverne de Michel Bérubé, que Patrice Dubois a créé Texas, une pièce de François Létourneau qui n’avait jusque-là eu droit qu’à des lectures publiques. Convaincue de l’intérêt du spectacle, la comédienne Christine Beaulieu a décidé de fonder la compagnie Champ Gauche et de produire Texas dans la métropole.

Nous sommes en 1973, au milieu du désert texan, il fait nuit. Dans leur roulotte, Teri et Gunnar, deux acteurs du film The Texas Chainsaw Massacre, attendent Dorothée, la costumière. Mais elle ne vient pas. Dans ce huis clos, le rêve va empiéter sur le réel, l’horreur dépasser le cadre de la fiction. Quand on situe l’action de sa pièce sur le tournage d’un film d’horreur culte, on a forcément un rapport particulier avec ce genre de cinéma. "Quand j’étais petit, explique l’auteur de Stampede et Cheech, j’avais une relation amour-haine avec les films d’horreur. Ça me faisait très peur, mais en même temps il y avait quelque chose qui m’attirait. Adolescent, j’adorais ça, j’en ai vu plein. L’écriture de Texas part un peu de là, mais aussi d’une courte pièce que j’ai écrite et qui mettait en scène une actrice qui jouait dans des films d’horreur italiens comme ceux de Dario Argento. Il y avait quelque chose que j’aimais dans cette actrice désespérée qui rêve de jouer ailleurs."

C’est sans nul doute ce personnage qui a servi à inventer Teri, la comédienne que Christine Beaulieu incarne dans Texas. "Teri, explique-t-elle, c’est celle qui joue la pauvre victime dans le film. Dans la pièce, elle doit partager sa roulotte avec Gunnar, l’acteur qui incarne Leatherface, le méchant. Rapidement, on découvre que, dans la réalité, le rapport est inversé. C’est-à-dire que Gunnar est un type excessivement doux et que Teri est une manipulatrice un peu bitch. Disons qu’elle lui en fait voir de toutes les couleurs."

LA BELLE ET LA BETE

On peut dire que la pièce de Létourneau, publiée chez Dramaturges Éditeurs en 2004, est au croisement des genres. "Comme tout ce que j’écris, explique l’auteur, c’est un texte qui peut avoir l’air, si tu le lis un peu vite, d’un mauvais théâtre d’été. C’est facile de monter ça de façon agressante, avec des personnages qui crient sans arrêt. Alors qu’en fait, c’est une pièce qui a plusieurs couches. Dans le fond, sous des allures d’épouvante, c’est une histoire d’amour, cette affaire-là. Je suis content parce que Patrice a vu tout ça dans la pièce."

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la production, même si elle est présentée en partenariat avec le Festival Spasm, un événement consacré au cinéma de genre, n’est pas une adaptation du Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper. Il s’agit en fait d’un prétexte, d’un contexte où camper l’histoire. Disons, pour être plus précis sans en dévoiler trop, que les acteurs du film sont ramenés dans la fiction bien malgré eux. "En fait, précise Létourneau, on se demande tout au long de la pièce ce qui est réel et ce qui est fictif. La menace qui plane est-elle véritable ou non? Le doute est constant."

Alors que Michel Lavoie incarne le naïf Gunnar, Richard Lemire est Lou, le producteur du film. "C’est lui qui fait le lien, lance Létourneau, c’est lui qui met un peu de raison dans tout ça." "Parce qu’il est moins fou que les deux autres, estime Beaulieu, il fait du bien aux spectateurs. En même temps, lui aussi est louche." Comme quoi, dans ce genre d’univers, mieux vaut ne pas se fier aux apparences.

Du 18 octobre au 3 novembre
Au Théâtre La Chapelle