Stijn Celis : Psychanalyse d’un conte de fées
Dans une version remaniée du Cendrillon qu’il a créé pour les Grands Ballets Canadiens de Montréal, en 2003, le Belge Stijn Celis nous invite à suivre la transformation d’une femme en devenir.
Si Cendrillon n’est pas la figure qui a le plus inspiré les chorégraphes, après la version de Marius Petipa en 1893, elle est celle avec laquelle les créateurs ont pris le plus de liberté, à commencer par Prokofiev. Du côté des chorégraphes, Noureev a transposé l’héroïne de Perrault dans l’univers du cinéma hollywoodien, et Maguy Marin dans celui de l’enfance et des jouets. Stijn Celis, auteur des subversives Noces dont les Grands Ballets Canadiens de Montréal nous gratifient régulièrement, a choisi, quant à lui, de se concentrer sur la psychologie des personnages pour décrire l’éveil d’une jeune femme à l’amour et à sa féminité dans le contexte difficile d’une famille reconstituée et d’un rapport à un prince superficiel.
"On retrouve les personnages principaux du conte, mais l’intrigue a beaucoup changé", explique le chorégraphe belge qui revisite, depuis la fin août, la pièce initialement créée en 2003. "C’est effectivement l’histoire du parcours initiatique d’une jeune fille, mais c’est peut-être aussi le mien. Cendrillon est un archétype de l’émancipation dans lequel chacun peut se reconnaître." Plus que de la transcendance de l’amour, cette version de Cendrillon traite de la capacité des êtres à s’y ouvrir malgré leurs blessures et leurs peurs. On pourrait d’ailleurs lire dans son sous-titre – "Celle qui, dit-on, aurait perdu sa chaussure" -, que les grandes transformations sont le fait de la volonté et d’un cheminement personnel plutôt que de la survenance d’un prince charmant ou de tout autre deus ex machina.
Dans un décor également signé par Celis et reflétant l’état d’une société en perte de valeurs, le premier acte présente les personnages et la dynamique dysfonctionnelle de la constellation familiale. Dotées d’une énergie particulièrement yang, la belle-mère et les belles-filles sont incarnées par des hommes. "On emploie souvent des hommes pour des rôles féminins dans le théâtre classique", précise le chorégraphe étonné des questions que suscite invariablement ce choix artistique. "Dans la tradition du ballet classique, ce sont aussi des rôles travestis. C’est sans doute lié au fait qu’on trouvait que les hommes étaient plus aptes à montrer la grossièreté. C’est aussi une façon de polariser le féminin et le non-féminin et de mettre en valeur Cendrillon. Et puis d’un point de vue purement fonctionnel, je trouve intéressant de montrer le rapport de force entre Cendrillon et sa belle-mère dans un pas de deux où un homme peut facilement la soulever."
Dans cette nouvelle mouture, Celis a transformé les pas de deux et les solos de Cendrillon. "La gestuelle est moins angulaire, plus ronde et plus limpide, déclare-t-il. Il y a aussi beaucoup plus de souffle. Du point de vue de la construction, la séquence du rêve a pris un rôle plus charnière: c’est un éveil au cours duquel Cendrillon reçoit sa robe et va devoir décider comment elle l’utilise." Viennent ensuite les mouvements de groupe du bal à la cour où il faudra vous rendre pour connaître les développements de l’intrigue. Dirigé par Allan Lewis, l’Orchestre des Grands Ballets vous y attendra.
Du 18 octobre au 3 novembre
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts