C.H.S. : Feu sacré
Avec C.H.S., Christian Lapointe livre un objet scénique époustouflant, un spectacle dont on sort en état de choc.
Un phénomène, un artiste au sens le plus fort du terme, un de ceux qui n’ont jamais appris l’usage du compromis et de la demi-mesure, voilà ce qu’est Christian Lapointe. Jusqu’ici, le directeur artistique du Théâtre Péril avait posé sa marque indélébile sur les oeuvres de Yeats, Villiers de l’Isle-Adam, Gauvreau et Ravenhill. Cette fois, le jeune homme de Québec met en scène son propre texte, une partition envoûtante intitulée C.H.S.
Créé lors du dernier FTA, l’objet est d’une singularité absolue. En rupture avec les normes, la complaisance ambiante, le culte du divertissement et les ravages du réalisme, le théâtre que pratique Lapointe est de ceux qui nous gardent en vie. Autrement dit, si la démarche n’a rien pour séduire les masses, elle a tout pour les réveiller. Plongeant dans sa fascination bien personnelle pour le feu, le créateur nous entraîne dans un désespoir proprement philosophique, nous invite à le suivre dans une courageuse quête de sens, une quête d’autant plus ardue qu’elle se déroule dans un monde où tout, mais vraiment tout, se consume un jour ou l’autre. Sans didactisme, la représentation évoque l’immense polysémie du feu, tisse des liens bouleversants entre Prométhée, l’holocauste, la cigarette, l’immolation, la combustion humaine spontanée et le phénix renaissant de ses cendres. Dans la peau du personnage principal, un homme suicidaire qu’il interprète de cette manière détachée qui est en voie de devenir sa signature, Lapointe nous en met plein les oreilles. Rivé à son fauteuil, monologuant ou s’adressant à l’un de ses deux interlocuteurs – la caissière de la station-service (Maryse Lapierre) et le scientifique (Sylvio-Manuel Arriola) -, le comédien donne aux mots leur pleine résonance.
Après avoir goûté à l’inquiétante étrangeté de ce spectacle brillant, une représentation constamment maintenue sous tension par les musiques de Mathieu Campagna, portée par l’ingénieux espace à trois niveaux de Jean-François Labbé (scénographie), Martin Sirois (lumières) et Lionel Arnould (projections), les talentueux membres du collectif CINAPS, comment retourner au monde extérieur?
Jusqu’au 27 octobre
À la Salle Jean-Claude Germain
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